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« On ne peut pas renoncer à la libre critique des religions »

« On ne peut pas renoncer à la libre critique des religions »

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« On ne peut pas renoncer à la libre critique des religions »

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C’est un avocat qui, depuis des années, vit sous protection policière. Et qui n’a jamais pour autant cédé à la menace, ni renoncé à défendre ses convictions à visage découvert. C’est aussi un avocat qui aimait comme des frères tous ceux, journalistes ou dessinateurs, qui, ce 7 janvier 2015, sont tombés sous les balles des kalachnikovs des frères Kouachi dans la salle de rédaction de Charlie Hebdo.Alors forcément, l’émotion est palpable quand, vendredi 4 décembre, Me Richard Malka se lève face au micro. « Le temps qui passe, les contretemps, les renvois d’audience… Tout cela ne peut rien changer à la profondeur de notre chagrin », lance, en préambule, l’avocat historique de l’hebdomadaire satirique.« Le rire, dernier rempart de ces hommes contre le fanatisme »C’est la dernière plaidoirie des avocats de parties civiles au procès des attentats de janvier 2015. Et c’est donc à Me Malka que revient la responsabilité de porter l’ultime parole des victimes à l’audience. Juste avant lui, Me Nathalie Senyk a raconté les grandes figures de ce journal pas comme les autres. Et les derniers instants de vie, dans la rédaction, ce matin de janvier ensoleillé, juste avant le chaos des armes et du sang.« L’atmosphère, ce matin-là, est joyeuse, dit l’avocate. On s’embrasse, on se fête la bonne année. Et puis très vite, comme toujours à Charlie, on s’engueule. Cette fois, c’est sur le dernier Houellebecq et les jeunes qui partent faire le djihad. Et puis, comme à chaque fois, tout se termine dans le rire. Le rire, dernier rempart de ces hommes contre le fanatisme. »« Accepter qu’il y ait deux procès en un »Quel sens donner à ce procès ? La cour d’assises spéciale de Paris doit-elle s’en tenir au seul jugement des faits reprochés aux accusés ? Ou doit-elle, aussi, prendre en compte le contexte dans lequel se sont déroulés ces attentats et ce qui a pu les provoquer ? Pour Me Malka, la réponse est une évidence.« Il faut accepter qu’il y ait deux procès en un : celui des accusés et celui des principes qu’on a alors voulu abattre et enterrer (…) Et rien n’empêche une cour d’assises de prendre en compte la dimension symbolique de ce procès », affirme l’avocat.« Ces terroristes nous disent que nos cours d’assises, ils n’en ont rien à faire »Puis Me Malka parle de l’attentat au hachoir (deux blessés) perpétré fin septembre devant les anciens locaux de Charlie Hebdo. Il évoque aussi la mort de Samuel Paty et des trois victimes de la basilique Notre-Dame de Nice. « Ces terroristes nous disent que nos cours d’assises, nos juges, nos lois, ils n’en ont rien à faire. Ils vous disent qu’avec juste un couteau ou un hachoir, ils feront plier 67 millions de Français pour faire changer leur mode de vie. »Et l’avocat parle, de plus en plus vite, quasiment sans un regard sur les notes posées devant lui. Avec des flèches acérées contre tous ceux qui estiment qu’il faut en finir avec ces dessins « qui jettent de l’huile sur le feu ». Ce qui pour Me Malka revient à se tromper de cible.L’antisémitisme au cœur des plaidoiries« Ce ne sont qu’un prétexte, les caricatures »« Ce ne sont qu’un prétexte, les caricatures », lance-t-il en évoquant ce terrible attentat perpétré le 10 novembre dans le nord du Mozambique, où 50 villageois ont été tués par des djihadistes ayant prêté allégeance à l’État islamique. « Ces hommes n’étaient pas en train de caricaturer le Prophète, ni de lire Charlie Hebdo, dit Me Malka. Alors, on peut bien abandonner tout ce que l’on veut. Ils continueront à nous tuer jusqu’à nous transformer en un poisson rouge qui tourne en rond dans un bocal. Ils continueront à nous tuer parce qu’ils détestent nos libertés. »Pour Me Malka, il est là, aussi, l’enjeu de ce procès. Dans cette tribune pour dire au monde entier que la France ne peut pas renoncer à « ce droit au blasphème », ni à celui de rire ou de pourfendre toutes les religions, sans exception.« On ne peut pas renoncer à la libre critique des religions. Ce serait renoncer à notre histoire, aux encyclopédistes, à la Révolution française, à la IIIe République… (…) Il ne s’agit pas de critiquer des hommes à raison de leur religion. Là, ce serait du racisme ou de l’antisémitisme, lance-t-il. Mais continuer à critiquer les opinions et les croyances, c’est essentiel. Sinon, on sombre dans l’obscurantisme. »Une attaque contre le pape FrançoisEt les flèches continuent de pleuvoir contre tous ceux qui, à un moment ou un autre, ont accusé Charlie de racisme ou d’islamophobie. Me Malka cite certains rappeurs, puis Jean-Luc Mélenchon. Il fait aussi état de sa colère face aux propos tenus par le pape en janvier 2015, tout juste une semaine après l’attentat à Charlie Hebdo.« Si un grand ami parle mal de ma mère, il peut s’attendre à un coup de poing, et c’est normal. On ne peut provoquer, on ne peut insulter la foi des autres, on ne peut la tourner en dérision », avait alors estimé François, tout en précisant que la liberté d’expression est un « droit fondamental » et que « tuer au nom de Dieu » est une « aberration ».Les dernières paroles de l’avocat sont pour ceux qui sont morts ce matin-là, dans la rédaction de ce journal qu’il défend depuis plus de 25 ans. Il a un mot d’affection pour chacun, il dit son admiration devant leur talent. Et juste avant de se rasseoir, il s’adresse aux parents de Charb, une des figures de proue de Charlie. « Je voudrais leur dire que leur fils était magique et qu’il nous donnait du courage, tous les jours. Et quand on en a marre, quand on a envie d’abandonner le combat, c’est à Charb que nous pensons. Charlie vivra ! »

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