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A Herat, une tentative de mobilisation populaire

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A Herat, une tentative de mobilisation populaire

Herat (Afghanistan)De notre correspondanteIsmail Khan, l’oreille tendue, fixe l’horizon de son regard perçant. Le soleil qui décline dans le ciel sonne le début des combats. Celui qu’on appelle le « lion de Herat » se tient au bord de la route, sur la ligne de front. « Les combats sont à 200 mètres », dit-il, tendant sa main devant lui. Les détonations s’enchaînent. L’ancien chef de guerre ne cille pas lorsque les balles des snipers talibans sifflent au-dessus de sa tête. « Viens ici, viens de ce côté ! », ordonne-t-il à l’un de ses combattants, posté devant lui comme pour le protéger. « Si une balle te touche, tu gagneras quoi, dis-moi ? »L’artillerie lourde résonne depuis plus de deux semaines dans le quartier d’Ab Borda, à quatre kilomètres du centre-ville de Herat, la métropole de l’Ouest. Les talibans tentent chaque jour de pénétrer un peu plus dans la ville historique fondée par Alexandre le Grand. Avec une facilité déconcertante, ils ont arraché plusieurs districts de la province, frontalière de l’Iran et du Turkménistan, et menacent de prendre la perle du Khorassan.Depuis que les talibans ont lancé leur offensive, en mai, à travers un pays livré au chaos, l’ancien chef de guerre mobilise les troupes pour endiguer leur avancée. Ancien colonel de l’armée afghane, il s’était aussi érigé contre l’invasion soviétique dans les années 1980. Devenu une légende de la résistance afghane, il ne doute pas, à 72 ans, de sa capacité à défier les talibans qu’il a combattus avec ferveur dans les années 1990. Ils l’ont d’ailleurs emprisonné dans leurs geôles dans le sud du pays en 1997, mais il s’est évadé trois ans plus tard.À travers la province, des forces de sécurité ont déserté leurs postes, offrant sur un plateau ­Herat aux insurgés. «Le nombre de soldats et de policiers à Herat est insuffisant. Ils ont fui les districts d’un coup. On a tous été surpris », reconnaît Ismail Khan. Kalachnikov à l’épaule, keffieh à carreaux noué autour de la tête, il porte un perahan o tunban, la tenue traditionnelle afghane, d’un blanc aussi immaculé que sa longue barbe. « Nous les vaincrons », assure-t-il.Sept cents hommes ont rejoint la force populaire qu’il a mise en place. Ils sont déployés aux quatre coins de Herat et soutiennent les forces de sécurité afghanes. «Mon travail est d’enseigner, mais dans la situation actuelle, je n’ai d’autre choix que de me battre », explique Qadir Ahmadi. Le trentenaire a quitté son poste d’enseignant au lycée pour rejoindre Ismail Khan il y a plus d’un mois. Il dit ne pas avoir vu sa famille depuis plus de deux semaines.Une quarantaine d’hommes de tous âges forment le bataillon du peuple sur ce front ouest de la guerre qui fait rage à Herat. Aucun n’est soldat, mais beaucoup ont combattu dans le passé, comme leur mentor, contre l’invasion soviétique puis contre les talibans. « Tous les Afghans savent se battre », disent-ils.Mais les talibans sont redoutables. « Ils utilisent des armes sophistiquées et ont même des lunettes de vision nocturne», souffle un quadragénaire armé d’une kalachnikov. Les tirs sont nourris à 200 mètres de là, et l’odeur de la poudre emplit l’air. L’homme s’est mis à l’abri près des hescos surmontés de barbelés qui entourent le poste de police où Ismail Khan a installé son QG. « Nous sommes puissants, dit le fermier dont le village est sous le contrôle des talibans, en désignant les dizaines de volontaires aux traits tirés autour de lui. Mais les talibans ont de meilleures armes et beaucoup de munitions. »Le gouvernement n’a distribué que quelques armes aux hommes d’Ismail Khan. La plupart ont apporté les leurs. Parfois de simples fusils de chasse pour combattre un ennemi qui semble s’être aguerri au cours de ces vingt années d’insurrection contre les autorités afghanes et les forces étrangères. « Les politiciens, au lieu de nous encourager, nous brisent le moral », lâche en colère l’homme qui va rejoindre ses frères d’armes postés plus loin.L’atmosphère se tend soudainement. Un humvee(un véhicule de transport à roues d’origine américaine, NDLR) surgit à toute vitesse du point chaud de la ligne de front. « Zakhmi, zakhmi ! » (un blessé, un blessé !) se mettent à crier les combattants. Ils se précipitent vers le véhicule militaire alors que des soldats de l’armée nationale, à l’intérieur, ouvrent les portes arrière. Du sang se déverse sur le sol caillouteux, des hommes soutiennent l’un des leurs, inconscient, blessé à la jambe. Ils le transportent dans le coffre d’une voiture qui part en trombe en direction de l’hôpital régional de Herat. Celui-ci consacre, depuis deux semaines, 30 % des lits aux blessés dans les combats.« Ce n’est pas une guerre face à face. Les balles viennent des toits, de partout », dit Juma Gul, une blessure à l’épaule droite. Il promet de retourner se battre une fois remis. Lui renonce à l’équivalent des quelques euros par mois qu’il gagne sur les chantiers de construction pour se battre auprès de l’émir de l’Ouest. Il n’envisage pas d’alternative, même si le combat semble perdu d’avance.De retour sur le front, un combattant revient de l’hôpital où il a transporté ses deux frères blessés. Le fermier à la carrure imposante, mitraillette à la main, ceinture de munitions en bandoulière, a le souffle court. Il caresse nerveusement son épaisse barbe noire, puis crache son désespoir plus que sa colère. Il invective les États-Unis, et lance : « Il n’y aura pas de paix entre les talibans et nous, parce que les talibans sont les marionnettes des Pakistanais. » Une fois calmé, il s’assied auprès d’une dizaine de combattants au repos sur une natte posée au sol, et parvient enfin à esquisser un sourire, tandis qu’on lui tend une tasse de thé vert. « Je ne veux pas que mes hommes perdent le moral », dit-il, comme s’excusant auprès des hommes sous son commandement.Le commandant en second de l’armée afghane Gulzar Kohestani confirme que ses soldats mobilisés sur la ligne de front dans l’ouest de la ville travaillent en coordination avec la force populaire emmenée par Ismail Khan. Il précise qu’avec leurs kalachnikovs, les combattants volontaires ne peuvent pas lancer d’offensive. « Ils sont trop vulnérables sans notre aide, dit-il. On les utilise surtout pour garder les endroits qu’on vient de nettoyer. »« Ismail Khan est un symbole. Il donne de l’espoir à la population et sa mobilisation remonte le moral des troupes », estime le gouverneur de Herat, Abdul Saboor Qani, qui ne jouit pas d’une bonne réputation auprès de la population. Depuis sa prise de poste il y a à peine deux mois, les forces de sécurité afghanes ont cédé plusieurs districts aux talibans sans opposer de résistance. Ces désertions n’en sont pas, affirme le gouverneur. «Il s’agit d’une stratégie pour renforcer la capitale provinciale et repousser les talibans », assure-t-il. Pourtant ces derniers, loin de reculer, n’ont jamais été aussi proches des murailles de la citadelle d’Alexandre.


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