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A Lyon, une association pour sauver les madones
Lyon (Rhône)De notre correspondante régionaleEn arrivant à l’angle de la rue Saint-Jean et de la Petite Rue Tramassac, Catherine de Rivaz ne peut s’empêcher de sourire : au pied de la Vierge de tendresse, pourtant nichée assez haut sur le mur, un petit bouquet de fleurs a été déposé. « Il arrive que certaines statues soient décorées à l’occasion de fêtes religieuses, explique-t-elle. Mais ici, et en plein mois de juillet, c’est vraiment la première fois ! » Ce geste est peut-être l’un des seuls qui puissent encore surprendre cette grande habituée du Vieux-Lyon.Guide conférencière de profession, Catherine de Rivaz organise depuis douze ans les visites de l’association Les madones de Lyon (1),dont la quinzaine de bénévoles se démène au quotidien pour prendre soin des deux cents statues de la Vierge et de quelques saints, dispersées. « Il faut faire vivre ce petit patrimoine non protégé, estime Étienne Piquet-Gauthier, cofondateur et actuel président, car il est à la fois témoin de l’histoire et symbole de la ferveur mariale de la ville. »Sur la place de la Trinité, à quelques pas de la primatiale Saint-Jean-Baptiste, la maison dite du Soleil est protégée par deux belles statues de plâtre : à gauche, Marie, les bras ouverts ; à droite, saint Pierre et sa clé. « Le jour où on les a découverts, ils n’avaient même plus de mains. Heureusement, la Société anonyme de construction de la Ville de Lyon, qui possède l’immeuble, était tout à fait partante pour une restauration », raconte la guide. Avant d’ajouter : « Ce n’est pas toujours le cas ! »La mission de l’association est claire : « Sensibiliser les propriétaires des statues, et les guider dans une démarche de restauration ou de remplacement si besoin, explique Étienne Piquet-Gauthier. Une évidence pour ceux qui y voient » une partie de l’âme de la ville », mais parfois une contrainte, d’argent, de temps ou d’énergie. Sur la place Benoît-Crépu, un propriétaire a sollicité lui-même l’association pour remplir une petite niche qu’il trouvait « dommage » de laisser vide. Mais un peu plus loin, à l’emplacement d’une église disparue, une statue de saint Pierre grossièrement maintenue par des sangles menace de tomber depuis des mois.Pour connaître leur état initial, l’association s’est toujours référée au premier inventaire connu : celui d’André Georges, daté de 1913. S’il en fournit des descriptions précises, et parfois des photos, « il nous manque énormément d’éléments comme les dates et les conditions dans lesquelles elles ont été posées », confie Catherine de Rivaz. À l’exception de quelques œuvres signées d’artistes connus comme Fabisch, une partie de ces madones – « en plâtre et donc fragiles » – a probablement été déposée autour du XIXe siècle pour remplacer celles qui avaient disparu, ont été détruites ou volées.De styles divers, mais toujours discrètes à l’image de la Vierge Marie dans l’Évangile, elles témoignent de la dévotion mariale des Lyonnais, en particulier depuis le XVIIe siècle, comme le rappelle Philippe Dufieux, historien de l’architecture, professeur et spécialiste de la ville de Lyon. « Elles semblent toutes être un écho à la Vierge dorée de Fourvière, dont elles imitent d’ailleurs souvent l’attitude. Dans le Vieux-Lyon, on a cette impression que tous les immeubles invitent le pèlerin à monter sur la colline ! » Comme cette imposante Vierge de miséricorde déposée au pied de la montée des Chazeaux.Installée en 2019 pour remplacer l’ancienne, elle a été imaginée par Christine Onillon, une sculptrice tourangelle. « C’est assez incroyable de se dire qu’un artiste du XXIe siècle peut encore nourrir ce patrimoine », s’exclame l’artiste, sélectionnée à l’issue d’un concours.La même année, Benoît Mercier a même réalisé une Vierge tout en inox pour Notre-Dame-des-Lumières. « C’est une façon de montrer aux Lyonnais que la tradition continue de vivre sous leurs yeux, estime Catherine de Rivaz. Ils forment le premier public et ils y sont bien plus attachés qu’on ne peut le croire ! »D’ailleurs, afin de garder un œil sur les deux cents statues, l’association peut désormais compter sur ses « vigies », des habitants prêts à alerter sur le moindre ravalement de façade qui pourrait mettre en danger la Marie de leur quartier.