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Cheminer sur les routes de Dante

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Cheminer sur les routes de Dante

De Florence à Ravenne (Italie)De notre envoyée spécialeLes 25 km parcourus ce jour-là n’ont pas diminué son entrain, au contraire. Francesco, professeur à Vérone, marche depuis cinq jours déjà sur les « Routes de Dante », un itinéraire balisé de 395 km qui, en une vingtaine d’étapes, va de Ravenne – où le poète est décédé en 1321 – jusqu’à Florence – où il était né en 1265 – avant de revenir à son point de départ, en traversant forêts de châtaigniers, champs d’oliviers, vignobles et bourgades pittoresques.Francesco avait embarqué son épouse Alessandra dans cette aventure qui « marie nature et culture ». Puis, au premier soir de leur périple, ils ont rencontré Daniele, un Milanais fou de randonnée. Depuis, ils marchent ensemble. Pourtant, contrairement à Francesco qui affirme : « Plus j’étudie Dante, plus je l’aime et plus j’ai envie de le lire », Daniele ne se souciait guère du poète. Lui voulait juste s’immerger à pas lent dans une belle nature.En chemin, Francesco récite des passages qu’il connaît par cœur, tout en s’émerveillant devant « le parfum puissant des genêts en fleurs », « l’ambiance des Apennins qui (lui) rappellent l’Italie de son enfance » ou le charme de l’ermitage de Gamogna – un monastère fondé par saint Pierre Damian croisé dans la solitude d’un bois, près de Marradi.Un soir de juillet, c’est dans cette bourgade que le trio fait halte, dans un hôtel-restaurant figurant sur la liste des établissements-étapes du « chemin de Dante ». Francesco, Alessandra et Daniele sont emballés par cette « manière de vivre différemment le paysage ». Ils ne font pas exception. Cet été, sur ce chemin, nombreux furent les Italiens marcheurs enthousiastes en même temps qu’admirateurs du « père de la langue italienne ».C’est en 2016 que le « chemin de Dante » (1), qui traverse un territoire à cheval sur la Toscane et l’Émilie-Romagne, a été balisé – les panneaux sont estampillés « CD ». L’association qui en a pris l’initiative est soucieuse de faire coller le tracé avec les faits et gestes – réels ou supposés – de Dante pendant son exil et/ou avec des personnages ou des lieux l’ayant inspiré notamment pour l’écriture de La Divine Comédie.Depuis, les autorités touristiques de l’Italie et des deux régions concernées (2) ont entrepris de diversifier l’offre, sous l’appellation plurielle « Routes de Dante » (« vie di Dante », en italien). On y trouve le chemin de trek, parfois malaisé, mais aussi un itinéraire à vélo, le long de l’ancienne via Faentina, deux parcours en chemin de fer – l’un en petit train touristique, l’autre sur la ligne régulière Ravenne-Florence – et une multitude de propositions sur-mesure des opérateurs touristiques locaux.Regroupées sur un nouveau site Internet (3), elles ne sont pas seulement destinées à marquer le 700e anniversaire de la mort de Dante. L’ambition est plus large. Ayant compris que la pandémie de Covid-19 renforçait les aspirations à des vacances différentes, les offices de tourisme entendent privilégier davantage les « mobilités douces », dont les « Routes de Dante » sont érigées en symbole.Cette ambition a été reçue cinq sur cinq par Sara Cavina qui, avec sa copine Sara Zanni, anime une petite agence de randonnée opportunément appelée « 4 à l’heure » (4). Leur terrain de jeu ?Brisighella, entre autres.Ce bourg pittoresque étire ses toits de tuiles rouges au pied de trois éperons rocheux sur lesquels veillent une forteresse, un sanctuaire et la tour de l’horloge. Tout autour courent des chemins balisés, l’un tourné vers l’huile d’olive locale, un autre vers le gypse longtemps extrait des nombreuses carrières, un autre encore consacré à saint Antoine, un autre enfin à Dante. Dans ses écrits, le poète et penseur a éreinté, sans jamais le nommer, Maghinardo Pagani, potentat local et champion du louvoiement entre les partisans du pape (les guelfes) et ceux de l’empereur (les gibelins).À Marradi, bourgade de 3 000 habitants située à 50 km de Florence, le maire, Tommaso Triberti, a compris le bénéfice qu’il pourrait tirer de ces « Routes de Dante » : sa « capitale de la châtaigne » ne s’enorgueillit-elle pas de posséder un charmant théâtre à l’italienne, quelques beaux palais nobiliaires, celui des Torriani par exemple, et un musée qui rend hommage à Dino Campana, gloire littéraire locale promptement érigée en « Rimbaud italien » ?À quelques kilomètres de là, Borgo San Lorenzo mise sur ces mêmes « vie di Dante » pour faire connaître la villa-musée Galileo Chini, figure du style liberty (l’art nouveau italien), l’église romane atypique qui abrite une peinture très abîmée de Giotto, la maison natale du peintre blottie au milieu des vignes ou encore les excellents vins et fromages du cru.À Ravenne, célèbre pour ses monuments de style byzantin et ses extraordinaires mosaïques colorées du haut Moyen Âge, l’idée est plutôt d’inviter les visiteurs à renouveler leur regard : Dante n’y repose-t-il pas dans un tombeau près de la basilique franciscaine ? Même chose à Florence qui, après avoir banni Dante, n’a cessé de vouloir réparer son ingratitude. Dans la cathédrale, jusqu’au 31 décembre, la superbe Comedie illumine Florence de Domenico di Michelino, où Dante trône en majesté, est pour la première fois visible de près, en grimpant sur une plateforme, lors de visites guidées spéciales.Un nouveau parcours incite aussi à découvrir la cité telle qu’elle était du temps de Dante : bien que déchirée entre factions rivales, elle était en pleine expansion. Les églises Santa Maria Novella et Santa Croce, le baptistère Saint-Jean-Baptiste (Dante y fut baptisé) et le Palais vieux étaient en chantier. C’est dans les rues étroites du quartier médiéval, peuplé de maisons des corporations marchandes, que demeuraient les Dante.« Ils vivaient dans l’une des 150 maisons tours de la ville, explique la guide Silvia Cappelli. La plupart de celles qui appartenaient aux gibelins ont été détruites à la fin du XIIIe siècle, après la victoire des guelfes. Les autres ont été rabaissées à la Renaissance pour qu’elles ne dépassent plus la coupole du Duomo, la cathédrale. »La maison-musée présentée comme celle des Dante a été reconstruite en 1910. À l’étage, une voix off décline des extraits des œuvres du poète, que bien des Italiens récitent souvent en même temps. « Pour nous, Dante, c’est quelque chose ! Nous l’étudions au lycée pendant trois ans. Et nous lui sommes très attachés car il est à l’origine de notre langue », s’exclame Silvia Cappelli.Le même enthousiasme était perceptible, cet été, lors des « lectures dantesques » organisées le soir, soit par des bénévoles comme à Ravenne, soit par des comédiens comme à Borgo San Lorenzo. « Dante me fascine, confie ainsi Ilaria, rencontrée dans cette commune située au nord de Florence. Il a été un homme de son temps avec les armes de la connaissance, il a su vivre des expériences différentes, il a continué à s’engager et a poursuivi son chemin malgré l’adversité. »À l’écouter, ces « Routes de Dante » paraissent bien plus qu’un simple outil de promotion touristique. Elles disent beaucoup de l’identité des Italiens, de leur lien à l’histoire. Ce n’est pas un hasard d’ailleurs si, à Ravenne comme à Florence, on trouve Dante peint sur des murs et sur des rideaux métalliques de boutiques. Dante, icône du « street art », qui l’aurait imaginé ?


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