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Corsaire des lettres, Michel Le Bris s’en est allé

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Corsaire des lettres, Michel Le Bris s’en est allé

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Avec son allure de barde échevelé, sa barbe de druide celte, ce Breton granitique, au regard doux que recouvrait une volonté de fer, nourri aux embruns et au désir de grand large, géographique autant que philosophique, avait sacrément bourlingué. De son enfance dans un Finistère délaissé « très pauvre, solitaire, illuminée par la générosité infinie de ma mère qui sacrifia sa vie, par le soutien d’un maître et la grâce des livres » lui viendra la rage, maintes fois exprimée, de réfuter la doxa péremptoire de sa génération qui ne considérait l’homme que comme le produit de ses contextes. Remarqué par son instituteur de Plougasnou, admirable représentant de ces hussards noirs qui savaient détecter le meilleur chez les élèves qu’on leur confiait, il avait été sauvé de son obscure condition par les livres et une série miraculeuse de rencontres. Après avoir souffert, sous le regard des autres au lycée Hoche de Versailles, d’être renvoyé à ses origines, Michel Le Bris devint « indestructible ».Ses ports d’attache : les récits de voyage et de grands espacesDiplômé d’HEC, il s’initie à la philosophie, notamment avec Emmanuel Lévinas. Maoïste après Mai 68, directeur général de La Cause du Peuple, journal qui effrayait le pouvoir gaulliste, il est embastillé pendant huit mois. Après sa levée d’écrou, il sera le cofondateur, avec Jean-Paul Sartre, de Libération dont il s’éloigne dès qu’il sent poindre le dogmatisme. Il retourne à ses ports d’attache : les récits de voyages et de grands espaces, les rives du romantisme allemand. Et à une écriture, libérée des contraintes journalistiques, qui se déploie, en 1977, dans L’Homme aux semelles de vent, un événement, son plus gros succès en librairie. Rédacteur en chef de Jazz Hot, chroniqueur radio pour Le Nouvel Observateur, directeur pendant trois ans des programmes de France 3 Bretagne, créateur de la revue Gulliver, Michel Le Bris avait été directeur de diverses collections chez Gallimard, Grasset, Flammarion, Payot, et surtout Phébus, éditeur de près de 400 ouvrages.« À la fin des années 1980, expliquait-il, la littérature française dominante, nombriliste et préoccupée que d’elle-même, m’insupportait. Après 1968, nous avions remis en cause les idéologies (et nous étions sur-idéologisés) en allant voir le monde. La littérature devait suivre le même chemin. J’ai toujours défendu une littérature voyageuse, aventureuse, ouverte sur le monde, soucieuse de le dire, le rendez-vous des enfants de Conrad et de Stevenson. » Stevenson dont il était le spécialiste mondial.Le foisonnement et l’aura de son festival Étonnants VoyageursEn 1990, de Saint-Malo, il lance Étonnants Voyageurs, festival unique en son genre, qui rassemble les littératures du monde entier, pour peu qu’elles distillent l’air du large et la rumeur du monde. Ce vaste rassemblement devient le point d’eau, l’oasis de ces aventuriers de l’écriture. Chaque week-end de Pentecôte (sauf en 2020 pour cause de pandémie), la troupe de nomades et pèlerins de la littérature se retrouve autour des remparts de la belle cité bretonne où les accueille avec gourmandise Michel Le Bris, grand ordonnateur de cet événement populaire qui s’est ramifié à Missoula (États-Unis), Dublin (Irlande), Sarajevo (Bosnie-Herzégovine), Haïfa (Israël), Bamako (Mali), Port-au-Prince (Haïti), Brazzaville (Congo), Rabat et Salé (Maroc). C’est grâce à la reconnaissance d’Étonnants voyageurs que les écrivains africains et haïtiens sont arrivés sur les rayons de la littérature française jusqu’à l’élection de Dany Laferrière à l’Académie française.Pour « une littérature-monde en français »En mars 2007, avec Jean Rouaud et Alain Mabanckou, Michel Le Bris jette un pavé dans la mare. Un « manifeste » pour encourager l’avènement d’une « littérature-monde en français », incarnée par ces « écrivains d’outre-France ». Assez de la distinction entre écrivains francophones et auteurs français qui les sépare alors que tout les réunit, plaide-t-il. « Le centre, ce point depuis lequel était supposée rayonner une littérature franco-française n’est plus le centre. Le centre est désormais aux quatre coins du monde. »Un entretien avec Michel Le BrisQuelques années plus tard, il ne peut rester inactif devant le scandale du sort réservé aux migrants. De Saint-Malo, avec Patrick Chamoiseau, il lance un appel pour mobiliser les intellectuels : « On meurt, on laisse mourir, on regarde mourir, et on tolère un océan de déchéances imposé à des hommes, des femmes et des enfants, dans lequel on se retrouve à barboter jusqu’au mitan des villes ».Auteur d’une cinquantaine de livres, fervent rassembleur de rêveurs, Michel Le Bris revenait toujours vers l’attirant mystère qui éclairait ses pas et donnait sens à sa vie : écrire.Michel Le Bris, écrivain du grand large

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