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Dans les diocèses africains, l’urgente question de l’autonomie financière
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« L’appel lancé par Rome est certainement le début formel de la fin du temps du syndrome de mendicité. » En peu de mots, le père Ambroise Kinhoun, théologien béninois livre une analyse tranchée quant à la lettre du cardinal Luis Antonio Tagle, préfet de la Congrégation de l’évangélisation des peuples qui suscite un vif débat sur le continent africain.Dans un courrier datant du 3 décembre, le cardinal Luis Antonio Tagle demande, en effet, aux diocèses des territoires des missions d’envisager de renoncer aux subsides qui leur sont dédiés annuellement au profit de ceux, d’entre eux, qui sont les plus nécessiteux. En cause, une chute des dons collectés par les Œuvres pontificales missionnaires (OPM) en raison de la pandémie.→À LIRE. Les diocèses des pays de mission s’attendent à une baisse de leurs ressourcesCes « territoires des missions » gérés par la Congrégation pour l’évangélisation des peuples sont composés de la plupart des diocèses d’Afrique, d’Asie, d’Océanie, et d’Amérique du Sud, soit environ 1 100 diocèses. Ils bénéficient, pour leur fonctionnement, d’une somme allouée annuellement par les OPM, appelée « subside ordinaire ».Une baisse amorcée depuis quelques annéesUne diminution de ces soutiens financiers n’est pas une surprise, comme le souligne Mgr Ignace Bessi, archevêque de Korhogo et président de la conférence épiscopale de Côte d’Ivoire qui explique qu’une baisse des subsides est amorcée depuis déjà quelques années. Et avec une réflexion sur l’autonomie financière : « Pour moi, toute Église doit tendre vers l’autonomie financière pour, à son tour s’occuper des autres, des plus faibles. »Pour le cardinal Dieudonné Nzapalainga, archevêque de Bangui, le courrier des OPM sonne comme une alerte et doit susciter une réflexion dans l’Église. « Une époque est en train d’être révolue, il nous faut créer des chemins nouveaux, innovateurs » renchérit Mgr José Moko Ekanga, évêque du diocèse d’Idiofa, dans l’ouest de la RD-Congo et vice-président de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco).Pour Maryse Quashie, laïque et universitaire togolaise, les Églises africaines n’ont, de toute façon, plus vraiment d’autres choix que de tendre vers l’autonomie. « Elles devront à plus ou moins long terme se passer des subsides lorsque Rome n’aura plus les moyens d’en distribuer », fait-elle remarquer.Abandonner « la culture de l’auto-apitoiement »S’il n’est, pour le moment, pas officiellement question de suppression ou de réduction pérenne des subsides, cette éventualité inquiète. Le père Benjamin Koné est vicaire général du diocèse de Katiola, dans le nord-ouest de la Côte d’Ivoire, en charge des finances et des structures économiques. Pour lui, les subsides sont « une bouffée d’oxygène ». Mgr Moko Ekanga, lui, ne cache pas son appréhension puisque dans nombre de diocèses africains, les subsides sont attendus « chaque année comme une planche de salut ».La situation est encore plus délicate en Centrafrique, pays plongé dans l’instabilité depuis 2013. « Si les subsides venaient à y être supprimés, ce serait dramatique », s’inquiète le cardinal Dieudonné Nzapalainga. Mais il convient clairement, pour plus d’un, de se défaire de ce que le père Kinhoun appelle le « syndrome de mendicité ». Déjà en 2016, Mgr Cyprian Kizito Lwanga, archevêque de Kampala appelait ses compatriotes à abandonner « la culture de l’auto-apitoiement ». Une attitude qui, selon lui, les condamne à la mendicité auprès des pays développés. L’universitaire Maryse Quashie renchérit : « La première contribution, qui me semble fondamentale, est un changement de mentalité. » Dans ce contexte, le premier chantier, aux yeux de Mgr Moko, « est de conscientiser ses fidèles à la prise en charge ».« Ces diocèses ne font pas que recevoir des autres Églises »Le père Ambroise Tine, prêtre sénégalais en mission en France, propose de nuancer le « syndrome de mendicité » rappelant le devoir de solidarité dans l’Église. Les diocèses de territoires dits des missions ne font-ils finalement pas leur part en envoyant nombre de missionnaires dans les diocèses de la vieille chrétienté ? C’est la question qu’induit sa remarque : « Il sied de noter que les diocèses bénéficiaires des subsides sont aussi pourvoyeurs de prêtres, de religieux et religieuses dans beaucoup de pays où il en manque. En cela, ces diocèses ne font pas que recevoir des autres Églises, ils donnent aussi de leur richesse humaine. »Quoi qu’il en soit, à moyen ou long terme, l’autonomie financière ne sera plus une option mais une contrainte. Et elle appelle à un nouveau mode de vie. Le père Jean- Baptiste Uwonda, du diocèse de Mahagi-Nioka, dans la province de l’Ituri, en RD-Congo renchérit : « Je dois dire que c’est enfantin, après cent ans, d’attendre tout de Rome alors que nous avons des potentialités énormes, localement. La paresse y est pour beaucoup et la recherche d’une vie de luxe dans la vie consacrée encourage cette dépendance. Pourtant, la plupart des consacrés viennent des familles pauvres. »De nombreux projets déjà lancésJulie Ndiaye, une catholique de Dakar, insiste sur la nécessité d’une bonne gestion des fonds de l’Église pour « que les fidèles soient plus encouragés à faire des dons », commente-t-elle.Enfin, globalement au sein des diocèses africains, depuis plusieurs années, de nombreux projets sont lancés pour favoriser une autonomie financière. En Côte d’Ivoire, le vaste chantier de la péréquation nationale a été lancé depuis de 2017 tandis qu’une collecte commune à tous les diocèses le jour de la Pentecôte alimente le Fonds national catholique.Du côté de Bossangoa, le diocèse de Mgr Nestor Nongo-Aziagbia, dans le nord-ouest de la Centrafrique, nombre d’initiatives ont été lancées avec un succès mitigé : quincaillerie, dépôt de boissons, restaurants, dépôts pharmaceutiques, petit et gros élevage, agriculture et projets immobiliers.La lettre du cardinal Tagle, en plus d’avoir provoqué un électrochoc a aussi suscité, le besoin, au sein des Églises d’Afrique, de poser un débat de fond sur la question de l’autonomie financière. Mais si certains diocèses, notamment celles des grandes capitales africaines, sont presque autonomes, d’autres risquent d’être, longtemps encore, dépendants des subsides en raison de la situation sociopolitique et économique de leur pays.—————–« Il est temps de nous prendre en charge »Mgr Laurent Lompo, archevêque de Niamey« L’éventualité d’une restriction des subsides doit nous faire prendre conscience qu’il est temps de nous prendre en charge. Il s’agira de partager entre nous le peu que nous avons. Les diocèses nantis sont invités au partage avec les autres qui le sont moins. Cela nous rappelle aussi un proverbe de chez nous qui dit que : “Celui qui est couché sur la natte de quelqu’un, qu’il ne se gonfle pas d’orgueil car le jour où le propriétaire retirera sa natte, il finira par se coucher par terre”. Je pense que la suppression progressive des subsides serait une bonne chose car cela nous permettra de mieux nous préparer pour notre auto-prise en charge. »
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