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Des exilés du Haut-Karabakh trouvent refuge à Etchmiadzine

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Des exilés du Haut-Karabakh trouvent refuge à Etchmiadzine

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Etchmiadzine (Arménie)De notre envoyé spécialLa chambre de Martha fait 6 m2. Dans un coin de la pièce, le lit simple qu’elle partage avec sa fille de 10 ans vient buter sur un évier en métal. Un berceau est installé à côté. L’endroit est propre et bien tenu. Rien ne traîne, et pour cause. À côté de la fenêtre, l’armoire de Martha est pleine de vide.Le 29 septembre, cette mère de 33 ans a laissé presque tout ce qu’elle possédait à Chouchi, dans le Haut-Karabakh, pour emmener ses quatre enfants à Erevan. C’est après un appel à un numéro d’urgence mis en place par le gouvernement qu’elle s’est retrouvée dans la petite ville d’Etchmiadzine, Saint-Siège de l’Église apostolique arménienne, où un centre de formation religieux a été converti en refuge. Une cinquantaine de femmes et d’enfants vivent ici. Les hommes sont restés sur le front. « On a beaucoup prié pour eux, confie-t-elle. On a appris beaucoup de mauvaises nouvelles. »Au rez-de-chaussée, un filet de camouflage inachevé témoigne de la dernière catastrophe en date : un accord de paix actant la défaite cruelle des Arméniens face aux armées de Bakou. Sept régions azerbaïdjanaises occupées par l’Arménie depuis 1994 doivent être rétrocédées. « Mon fils m’a montré des vidéos de soldats azerbaïdjanais à Chouchi. L’un d’eux s’est filmé dans l’appartement d’un ancien camarade de classe, il dit : “Viens chérie, on a une nouvelle maison.” J’ai même vu des soldats cuisiner avec un réchaud sur le balcon de ma belle-mère. » Martha ne sait pas si elle rentrera un jour au Haut-Karabakh. En attendant, son mari cherche du travail à Erevan – n’importe lequel.« Les réfugiés que nous accueillons me demandent souvent comment Dieu peut autoriser une telle tragédie », raconte dans la pièce à vivre le père Marc Mangosarian, directeur du service social de l’Église apostolique arménienne. « Je leur donne la réponse canonique : le libre arbitre, le fait que le Mal n’est que l’absence de Bien… Ça ne les convainc pas souvent. Et j’avoue que moi non plus. »Sur la table, son téléphone vibre sans arrêt. Un prêtre autrichien lui annonce avoir levé 6 000 € pour acheter des médicaments. Depuis le début de la guerre le 27 septembre, les dons affluent de toute l’Arménie, et de la diaspora. L’Église a mobilisé ses structures locales pour faire face à l’arrivée de dizaines de milliers de réfugiés. « 150 prêtres et des milliers de volontaires ont contribué à rediriger les déplacés vers des familles prêtes à les accueillir, puis nous avons aménagé quatre centres comme celui-ci », explique-t-il.Âgé de 28 ans, Sarkis a mis entre parenthèses ses études religieuses pour devenir l’homme à tout faire du centre d’accueil d’Etch­miad­zine. Présent en permanence, c’est lui qui s’assure du respect des règles, et organise des jeux et des temps de recueillement. « Notre aide est matérielle, mais aussi spirituelle. Lorsqu’ils arrivent ici, les gens sont souvent effondrés. On les aide à essuyer leurs larmes et à retrouver un peu d’espoir. »Les réfugiés peuvent rester aussi longtemps qu’ils le souhaitent, mais ceux qui le peuvent sont encouragés à rentrer pour faire de la place à ceux qui n’ont plus de foyer. Le 17 novembre, un conseil s’est tenu pour aborder la question du retour. Sur les 53 réfugiés, 47 ont affirmé leur intention de repartir vers le Haut-Karabakh.« Ma fille ne parle que de rentrer, tout le temps et à tout le monde ! », s’exclame Elanora, professeure d’histoire originaire de la région de Martuni, dont le village a été rudement bombardé. « On est dans la montagne, on ne peut pas y aller tant que l’électricité n’a pas été rétablie. Et comment faire la classe, avec huit enseignants sur dix partis à Erevan ? »Dans la chambre voisine, Kristina se prépare au départ. « On n’a pas eu à se concerter avec mon mari, nous savions que nous rentrerions à Stepanakert », la capitale du Haut-Karabakh. « Il y a des années, c’est après un pèlerinage à Etch­miad­zine que mon époux et moi avons enfin réussi à concevoir notre premier enfant. Trouver refuge ici m’a redonné confiance en l’avenir. » Resté à Stepanakert pendant la guerre, son mari devait venir la chercher samedi 21 novembre. « Il m’a juste demandé de ne pas faire de remarques en découvrant l’état de la maison », plaisante-t-elle pour chasser l’inquiétude. Nul ne sait combien de temps la paix tiendra.

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