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La France face au creusement de la dette
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La dette publique, c’est comme le cholestérol. « Il y a la bonne dette, qui permet l’investissement productif qui favorise la croissance et donc les rentrées fiscales qui permettront de la rembourser, explique Hervé Goulletquer, directeur adjoint de la recherche à La Banque postale AM. Et puis il y a la mauvaise dette, qu’on utilise pour des dépenses pas forcément efficaces et que l’on va traîner comme un boulet. »Le problème est que la France est entrée dans la crise du coronavirus avec une barque déjà bien chargée et que le « quoi qu’il en coûte » prôné par Emmanuel Macron pour limiter la casse économique a plombé la donne, même si les mesures de soutien aux entreprises et aux ménages étaient indispensables.« En 2019, la dette publique s’élevait à 98 % du PIB, ce qui était déjà dans la moyenne supérieure de la zone euro. En 2020, elle devrait atteindre les 120 % du PIB, ce qui aurait été considéré comme insoutenable il y a peu de temps », souligne Hervé Goulletquer. Mais est-ce si grave qu’il faille s’en préoccuper ? « À court terme, non, répondait récemment Esther Duflo, prix Nobel d’économie 2019, dans un entretien à La Croix L’Hebdo. L’État n’est pas “un bon père de famille” qui doit équilibrer son budget au jour le jour. »De fait, un État n’a pas d’obligation de réduire sa dette à zéro. Mais il doit réussir à la faire « rouler » en convainquant les marchés de lui prêter sans cesse, en leur assurant que les intérêts des emprunts seront bien payés et les créances, arrivées à maturité, remboursées. Un système qui repose donc largement sur la confiance des investisseurs.Or, jusqu’à présent, Paris a la cote auprès d’eux. On peut même dire que la dette française s’arrache : l’an dernier, l’Agence France Trésor a levé un montant record de 260 milliards d’euros et prévoit d’en placer autant en 2021. Mieux, « la France peut émettre de la dette à taux négatif jusqu’à douze ans de maturité. Ce qui signifie, concrètement, que les investisseurs sont prêts à payer pour détenir des obligations françaises », précise Éric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG, école de commerce rattachée à l’Université catholique de Lille.Ce paradoxe s’explique par la politique monétaire très généreuse menée par la Banque centrale européenne (BCE) qui consiste à racheter massivement les titres publics, ce qui fait monter leur cours et donc baisser leur taux de rendement. Cette politique présente un avantage majeur : la dette publique de la France peut bien augmenter en pourcentage du PIB, le taux moyen d’intérêt – moyenne des différents taux applicables aux obligations émises selon les années – ne cesse, lui, de baisser, ce qui allège la facture.En 2020, ce taux moyen était de 1,3 % et ne remontera pas tant que la BCE poursuivra ses opérations de rachat, ce à quoi elle s’est engagée sur les prochaines années. Ce qui est de bon augure pour Paris.« Sous l’hypothèse que la crise sanitaire soit maîtrisée et que l’activité revienne à la normale, le taux de croissance devrait excéder le taux d’intérêt moyen, rapport qui garantit de pouvoir au moins contenir la dette, à défaut de la résorber », explique Éric Dor.D’un point de vue strictement économique, la dette publique, même à ce niveau élevé, devrait donc être gérable à moyen terme. Mais c’est compter sans le facteur politique qui s’invite dans le débat.En Europe, on peut craindre de voir resurgir rapidement l’opposition entre pays du Nord dits « frugaux », partisans de la rigueur budgétaire, et pays latins accusés d’être des « cigales ». Tandis qu’en France la perspective de la présidentielle de 2022 aiguise déjà les oppositions sur la question sensible de « qui va payer ? » avec, comme ligne de fracture, la priorité à donner à la baisse des dépenses ou à la recherche de nouvelles recettes.L’idée de faire participer les grandes entreprises ou les ménages aisés revient sans cesse sur la table, à travers un rétablissement de l’ISF ou la mise en place d’un impôt Covid exceptionnel défendu par la quasi-totalité de la gauche. « L’augmentation de la fiscalité sur les plus aisés ne réglera pas la question de la dette, mais c’est un message nécessaire pour restaurer la cohésion sociale », plaide Valérie Rabault, présidente du groupe PS à l’Assemblée.« Sortir d’une crise en augmentant les impôts, c’est une erreur qu’on a payée cher après la crise de 2008 », rétorque Jean-Noël Barrot, économiste et député MoDem. Sur cette question, la ligne du gouvernement est claire. « Tant que je serai ministre, il n’y aura pas d’augmentation d’impôt », martèle Bruno Le Maire, le ministre de l’économie.Cela n’exclut pas forcément la recherche de ressources nouvelles. Les idées sont nombreuses : taxes sur les transactions financières, taxes sur les géants du numérique, taxe carbone aux frontières… « Parler de nouveaux impôts, cela évite de dire aux Français qu’on augmente ceux qui existent. Mais ça reste une hausse d’impôt », souligne un ancien conseiller de Bercy.L’autre façon de s’attaquer à la dette serait évidemment de jouer sur les dépenses. « Le meilleur moyen d’éviter l’emballement de l’endettement est de limiter les déficits », souligne Jean-Noël Barrot, pour qui le redressement peut passer par « une meilleure efficacité de la dépense publique ».Rares sont ceux qui assument une vague de rigueur, de coupes franches dans les dépenses. Du moins pour le moment. « Le rétablissement des finances publiques se fera quand la crise sera derrière nous mais il se fera », a ainsi réaffirmé Bruno Le Maire. Et l’une des façons de s’y préparer serait de reprendre sans tarder la réforme des retraites, ne cesse-t-il de plaider.Cette relative prudence fait bondir les plus alarmistes, comme le député centriste Charles de Courson, pilier de la commission des finances. « Les 20 points de dette Covid, c’est l’équivalent de 17 000 € par foyer. Dire que cela va se régler sans effort, c’est démagogique, assène-t-il. Cela nécessitera des réformes forcément difficiles en matière de retraites, mais aussi de santé. »Reste une solution, radicale : rayer d’un trait de plume une partie de cette dette. C’est la proposition iconoclaste défendue depuis quelques mois par un petit groupe d’économistes français.« La politique monétaire de la BCE permet aux États d’emprunter à très bas coûts, ce qu’ils ne font pas dans des proportions suffisantes, crispés qu’ils sont par le poids de leur dette. Il suffirait que la BCE accepte d’en annuler une partie pour que les États bâtissent des plans de relance plus généreux, afin de reconstruire l’économie et d’investir dans la nécessaire transition écologique », plaide Nicolas Dufrêne, directeur de l’Institut Rousseau et membre du collectif.Cette solution paraît impraticable juridiquement – cela nécessiterait rien de moins qu’un changement des traités européens – et risquée économiquement, selon la plupart des économistes. « Au-delà, elle pose une vraie question : le plan de relance proposé par le gouvernement en septembre est-il suffisamment calibré, bien ciblé et dans le bon timing pour créer, demain, les richesses qui permettront d’éponger la dette ?, interroge, sceptique, Anne-Laure Kiechel, fondatrice du cabinet conseil Global Sovereign Advisory. Nous sommes passés dans un territoire où l’on ne peut plus se permettre de se tromper. »
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