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Le port de Larne, en Irlande du Nord, sous la menace des pro-Brexit
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Larne (Irlande du Nord)De notre correspondanteÀ l’entrée de la ville, un rond-point surplombé d’une énorme couronne métallique annonce la couleur : Larne est en territoire unioniste. Ce port millénaire est farouchement attaché à sa place au sein du Royaume-Uni, à ses symboles monarchiques, son système de santé gratuit et à la livre sterling. Six fois par jour, un ferry relie l’Irlande du Nord à Cairnryan en Écosse, si proche qu’on l’apercevrait même par beau temps.Mais point de beau temps en février, où l’épidémie et le froid ont chassé les gens des rues. Le terminal de passagers est désert, seuls quelques camions débarquent de l’European Causeway, à quai. Depuis le 1er janvier, avec la fin de la période de transition, Larne et les ports nord-irlandais sont sous pression. La communauté unioniste ne s’accommode pas de la frontière dans la mer d’Irlande, qui les éloigne de la Grande-Bretagne et ralentit les échanges. En début de semaine, le Conseil d’East and Mid Antrim a dû arrêter en urgence ses 12 agents chargés des nouveaux contrôles douaniers, rapidement imité par la Commission européenne qui a suspendu ses équipes pour assurer leur sécurité.« Les employés ont vu un graffiti les désignant comme des cibles. Ils ont été suivis, et leurs plaques d’immatriculation ont été relevées », explique le maire, Peter Johnston. S’il assure qu’il s’agit d’« actes isolés », d’autres tags sont apparus dans le reste du pays : « Non à la frontière dans la mer d’Irlande ! », « Assez c’est assez ! Il faut riposter », « C’est l’heure de la guerre ! »…En attendant l’enquête, les biens continuent d’affluer librement. « Nous sommes toujours dans une période de grâce, et les douaniers visés s’occupaient davantage de vérifier les documents que des inspections physiques », assure l’édile. À partir du 1er avril, de nouvelles règles doivent prendre effet avec des certificats sanitaires stricts et onéreux sur des produits alimentaires et d’origine animale arrivant dans la province, et donc dans le marché commun européen. Plus que surpris, l’élu est déçu. « C’est la dernière chose qu’on voulait voir arriver ! ». Pour lui, les douaniers sont les dernières victimes du protocole nord-irlandais, « qui pèse déjà sur l’industrie de l’acier et le secteur de la distribution ».Larne fait partie des rares circonscriptions où le « oui » au Brexit l’a emporté, lors du référendum en 2016. Dans le reste de la province, le « non » retentissait fermement. Quatre années de négociations ont échoué à mettre les Nord-Irlandais d’accord : une frontière terrestre risquait de réveiller des tensions ; déplacer les contrôles dans les ports semblait être la solution, mais a eu pour effet de les raviver.À quelques centaines de mètres du quai, des ouvriers font la queue devant une cabane en préfabriqué où Paul place des galettes de pain irlandais sur le gril. « Depuis le Brexit, les choses changent. Les clients sont toujours là, mais il y en aura sûrement de moins en moins. » Le graffiti qui est apparu à quelques mètres de son café ne l’inquiète guère. « Ceux qui ont fait ça ont obtenu ce qu’ils voulaient : qu’on arrête les contrôles », grommelle l’un de ses clients en attrapant son sandwich.Sur le parking, Brian a laissé le moteur de son camion-citerne tourner. « Ces nouvelles régulations sont ridicules, mais de là à menacer de pauvres gars qui font leur journée de travail… ». Si la police n’a pas trouvé de connexion avec les paramilitaires loyalistes, tous sont persuadés que les groupes armés sont derrière les menaces. « Tout cela n’est rien par rapport à ce qu’on a vécu pendant la guerre, et je serais étonné que ça aille plus loin. Ils veulent juste faire peur… C’est comme ça que ça marche, par ici ! ».Une voiture de police fait sa ronde et repart. Quelques camions embarquent. Larne attend. Britanniques et Européens doivent discuter la semaine prochaine d’assouplissements possibles du protocole, et d’une extension des périodes de grâce, en espérant apaiser les tensions.
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