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L’Université française à l’encan

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L’Université française à l’encan

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La loi de programmation de la recherche (LPR) tout juste votée au Parlement fournit une nouvelle illustration de la figure du pot de terre frappé par le pot de fer : l’Université de service public à la française, creuset d’un pouvoir scientifique, est mise en pièces par le Gouvernement, son compagnon de voyage, détenteur du pouvoir de l’action politique, à l’aide du Parlement. Ce vote donne l’occasion d’une mise en perspective peu réjouissante pour l’Université d’État, sacrifiée à une activité de service de formation mercantile, d’intérêt privé.→ EXPLICATION. Ce que change la loi pour la recherchePorté par la LPR, un nouveau coup blesse notre Université telle qu’elle a été conçue au lendemain de la seconde guerre mondiale. Dans un pays renouvelant ses institutions de fond en comble, l’Université a alors été perçue comme un élément de l’équilibre politique de la France. Dans des ordonnances de 1945 organisant la politique française du savoir, l’Université publique et le CNRS ont été institués comme un pouvoir : le « pouvoir du savoir », vu à la fois comme un contrepoids sain dans un subtil équilibre et comme un moteur dans une dynamique de progrès permettant au « pouvoir de l’action » de diriger de façon éclairée le pays vers un avenir meilleur.Depuis lors, l’Université a traversé de nombreuses crises, en phase avec la société française (et finalement, avec un monde changeant sous l’effet de l’innovation). Le pouvoir politique a tenté d’y répondre en la réformant et l’on sait les évolutions qui ont marqué, dès la fin des années 1960, le monde universitaire.→ LES FAITS. Assemblée nationale : la recherche écrit sa nouvelle formuleDans un monde actuel où tous les « services » se monétisent et où la logique de marché grignote la logique de bien commun, de très fortes puissances sont à l’œuvre au plan mondial pour faire de l’enseignement et de la recherche un domaine animé par une logique de dénationalisation, de concurrence internationale et de rentabilité économique à court terme. L’Université française, enracinée dans la logique de bien commun inspirant encore ses fondements, devait faire l’objet d’attaques répétées pour la faire évoluer dans une logique de marché. Des gouvernements, des législatures ont orchestré ces attaques sans parvenir pour lors à percer leur cible de leur flèche. Pour atteindre son but, le Politique semble changer de stratégie : ne parvenant pas à défaire le service public de l’Université, il met en place un cadre juridique permettant à ce service public de se défaire lui-même.Prenons un seul exemple : les procédures de qualifications se déroulant devant le CNU permettaient à ce dernier de jouer un rôle de régulateur national de l’accès aux fonctions de professeur des universités en filtrant, parmi les docteurs, ceux dont les travaux sont de qualité insuffisante pour ne laisser passer que ceux dignes d’incarner la politique publique de formation supérieure ; désormais la LPR ne laisse survivre qu’un CNU-croupion, privé de ses attributs essentiels concernant les qualifications des docteurs. Ce faisant, cette loi suit une logique de concurrence entre établissements. Chaque université mènera la politique de recrutement dont elle a les moyens, avec en certains lieux des recrutements de haut niveau scientifique et, en d’autres, des recrutements locaux d’inféodés, plus fidèles serviteurs du seigneur-président de l’université que fers de lance nationaux du savoir.→ À LIRE. Réforme de la recherche, la précarité invisible des doctorantsLorsqu’il apparaîtra que des « titulaires de poste de savoir » ne sont pourtant pas « détenteurs d’un savoir » favorisant le progrès au profit de la population, il ne restera plus qu’à faire tomber le statut national des professeurs, leurs positions permanentes (« à vie ») n’étant plus justifiées par le bien commun, par le temps long de la recherche, par l’autonomie du savoir par rapport au politique et à l’économique. Aux mains du marché, les universités se transformeront en outils obéissant à des logiques privées : certaines seront animées par l’esprit de lucre ; d’autres, par des projets plus collectifs de type communautariste dont il y aurait beaucoup à craindre pour l’unité de la France elle-même. Finis les établissements publics porteurs des hautes exigences de l’État en matière de formation supérieure par et pour la recherche !La privatisation de l’Université aura alors fait une sérieuse avancée. Gageons que ce ne sera pas la seule. La logique de marché s’insinuant partout dans l’Université, les établissements fonctionneront selon les règles du marché. Le service ne sera plus public et financé par l’impôt mais deviendra privé et financé par le client. Fini, chez les étudiants, le bénéfice d’un financement, par la nation, de leurs formations : ceux qui seront démunis devront compter sur la philanthropie ou sur les banques, en s’endettant d’une charge de remboursement qui les asservira longtemps. Finis aussi, chez les personnels non enseignants, les dévoués commis de l’État, du grand au petit : le travail se fera pour le profit de l’établissement et des personnes qui le dirigent et non plus au profit de la nation et des personnes qui la composent…→ LIRE AUSSI. La recherche française à nouveau au milieu du guéVoulons-nous de cela ? Si oui, restons impassibles face à la LPR, la privatisation des universités se fera. Si non, réagissons vigoureusement, en employant les voies de droit (le recours devant le Conseil constitutionnel contre la loi votée en fait partie…) pour la défense de l’Université composant un service public œuvrant pour le bien commun.

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