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Mots d’ados
«Tous les matins en me levant, je pense à ce qu’il va se passer. Peut-être qu’aujourd’hui sera la dernière journée de ma vie, c’est pour ça que je voudrais lui dire que je l’aime. Pourquoi est-ce aussi dur de dire deux mots ? », se morfond Thaïs. « Bientôt le brevet, bientôt plus de bagues (dentaires) (9 jours !), bientôt mon anniv’, bientôt l’été… Je ne veux pas grandir. Je veux rester comme Peter Pan. Pourquoi les obligations puisque c’est nous qui les inventons ??», s’interroge Charlotte. « Devenir parent signifie-t-il systématiquement oublier ce que c’était d’être un adolescent ? », questionne à son tour Jade, triste à la vue du fossé qui se creuse peu à peu au sein de sa famille.Réunies dans Mots d’ados, ces réflexions intimes, tour à tour drôles, pertinentes ou bouleversantes, sont le fruit d’une minutieuse collecte menée pendant dix ans par l’artiste Irvin Anneix. Parce qu’il a lui-même, à l’adolescence, trouvé dans l’écriture d’un « Journal des rêves » un exutoire à son mal-être, ce trentenaire a commencé à récupérer les écrits de ses proches avant de créer, en 2014, une plateforme de contribution sur Internet et de solliciter les réseaux sociaux. Les témoignages ont afflué : parmi une moisson de 5 000 textes, il en a choisi près de 200 autour de thèmes universels : la famille, l’amour, l’amitié…Lus et commentés par d’autres adolescents au sein d’un studio de lecture itinérant (installé dans des institutions culturelles, des festivals, des établissements scolaires…), ces Mots d’ados ont fait l’objet de petits films à voir sur le site de l’artiste, puis de ce recueil du même nom paru récemment. Livrés bruts, sans filtre, avec leurs maladresses et leurs fautes d’orthographe, ils expriment avec force les emballements de la jeunesse, sa ferveur mais aussi les émotions en montagnes russes, les doutes, les souffrances indicibles à voix haute.« Ces écrits traduisent la difficulté de certains adolescents à se faire une place dans une société très conformiste », décrypte Irvin Anneix, attentif à « mettre en lumière leurs réflexions profondes, tranchant avec les clichés que l’on peut avoir sur cet âge ».Pour la psychologue clinicienne Christine Cannard, qui signe la préface et utilise certains extraits dans ses formations professionnelles autour du « développement des adolescents », l’ouvrage invite à mieux comprendre les maux d’ado. Aux jeunes, il montre qu’ils ne sont pas seuls. Aux parents, ils offrent une plongée troublante dans la tête de nos enfants, à l’écoute de ce qu’ils n’osent parfois pas nous dire. Comme une invitation à être plus attentifs.
