Connect with us
img

Hot News in World

THÉOLOGIE : L’Eucharistie, ressource pour « la politique de l’Église »

THÉOLOGIE : L'Eucharistie, ressource pour « la politique de l'Église »

NOUVELLES

THÉOLOGIE : L’Eucharistie, ressource pour « la politique de l’Église »

Ce livre s’intéresse à la pensée novatrice du théologien américain William T. Cavanaugh, encore peu explorée dans le monde francophone.

L’imagination théologico-politique de l’Église. Vers une ecclésiologie narrative avec William T. Cavanaugh,
de Sylvain Brison,
Cerf, coll. « Cogitatio Fidei » n° 310, 352 p., 30 €

On pourrait dire que, en ce moment, l’imagination a la cote chez les jeunes théologiens français : il y a quatre ans, le jésuite Nicolas Steeves, qui commençait à enseigner à la Grégorienne à Rome, publiait Grâce à l’imagination – Intégrer l’imagination en théologie fondamentale, où il voulait développer à nouveaux frais une théologie fondamentale qui intégrerait l’imagination, allant jusqu’à, selon le titre d’une des sections de ce livre, « imaginer la foi comme imagination réelle, vraie et singulière ».

Une vision renouvelée de la théologie

Aujourd’hui, dans la même collection prestigieuse de théologie Cogitatio Fidei, le Père Sylvain Brison, du diocèse de Nice, enseignant à l’Institut catholique de Paris, publie ce livre, à la fois exigeant et audacieux, qui fait lui aussi la part belle à l’imagination. De fait, lui se situe davantage dans une perspective ecclésiologique (c’est d’ailleurs de cette discipline qu’il commence à devenir un des bons spécialistes!) et, de plus, s’adosse à la pensée d’un théologien américain, William Cavanaugh, théologien américain né en 1962, à l’œuvre déjà largement reconnue sur la scène de la théologie mondiale, même si on l’a peut-être un peu trop vite classé dans la catégorie des membres de la Radical orthodoxy !  Jeune encore, après un séjour de deux ans dans un Chili alors dominé par la dictature de Pinochet, Cavanaugh publie un premier ouvrage marquant, au titre volontairement provocateur, Torture et eucharistie (1998, paru en français en 2009). Le premier des six chapitres du présent volume est justement consacré à ce livre.

Plus globalement, Sylvain Brison a l’ambition de montrer comment Cavanaugh propose une vision complètement renouvelée de la théologie, pas forcément par le contenu de ce qu’il dit mais plutôt par la manière de le présenter. La réflexion du Père Brison est stimulante et ouvre de nombreuses perspectives même si son discours est souvent difficile à suivre et que le lecteur parfois un peu désorienté n’y trouve pas toujours suffisamment de limpidité et de cohérence, mais le parcours mérite d’être suivi jusqu’au bout, il n’est pas si fréquent aujourd’hui de découvrir une pensée vraiment novatrice en théologie, qui plus est encore peu connue ou non encore défrichée dans notre pays !

Repenser le rapport Eglise/monde

Pour tenter de commencer quand même par un bout, on pourrait dire que Cavanaugh (et, donc, Brison à sa suite!) veut bâtir à nouveaux frais les fondements d’une véritable théologie politique car, trouve-t-il (et c’est là une de ses hypothèses de base, certes contestable),  jusqu’ici (y compris dans Gaudium et spes), la théologie politique n’est pas assez… théologique !

Son travail se trouve alors à la jonction de plusieurs champs, qui ne se rencontrent d’ailleurs pas toujours forcément jusqu’à maintenant : la sociologie et les sciences humaines, la théologie fondamentale, certes, mais aussi l’ecclésiologie, la sacramentaire et l’éthique. Autrement dit, il s’agit de repenser complètement l’Église entre ecclésiologie et théologie politique, de repenser le rapport Eglise / monde au-delà des seules catégories utilisées jusqu’alors que sont l’éthique et le juridique (ou canonique).

Pour cela, avant d’avancer des hypothèses positives, il veut déconstruire trois mythes de nos temps modernes qui, à partir du Moyen Age, ont pris la place qu’avait l’Église : celui de l’État comme sauveur, celui de la soi-disant neutralité de la société civile, celui, enfin, de la catholicité de la mondialisation (c’est à cette triple thématique que Brison consacre son deuxième chapitre).

Cavanaugh, sans vouloir du tout revenir à une théocratie mais sans davantage, à l’opposé, repousser l’Église dans la sphère seulement privée, hors de toute influence sur la politique, aspire à donner à cette Eglise un rôle politique réel, et même central ; en effet, la politique étant à ses yeux indélébilement marquée par la violence, parfois extrême (voir le titre de son premier livre !), l’Église pourrait montrer par contraste ce qu’est la vraie politique, qui lui appartient en propre. Et, là, il introduit trois  éléments, bien distincts, mais essentiels à sa pensée : le rapport à l’eucharistie, une théologie narrative et, point plus original et sans doute difficile à percevoir pour le lecteur européen, le recours à l’imagination, avec la complication supplémentaire que Cavanaugh ne donne jamais dans toute son œuvre une définition de ce qu’il entend précisément par le mot d »imagination‘ !

Une théologie de l’imagination

C’est tout cela en même temps que Brison tente à la fois de démêler et d’expliciter dans son brillant essai ! Il en donne l’enjeu assez clairement dès l’introduction : «  La proposition de William Cavanaugh demeure originale dans la mesure où il développe une imagination théologique capable de redonner à l’Eglise une interprétation du problème théologico-politique à partir de sa nature ecclésiale. Nous voulons donc, dans cet essai, vérifier l’hypothèse suivante : Cavanaugh propose une nouvelle forme de pensée, que nous pouvons essayer de définir comme une théologie de l’imagination, même s’il n’envisage jamais la dimension réflexive de la notion (…) La recherche du théologien américain se focalise sur la vie de l’Eglise dans des situations concrètes et s’attache en particulier aux micropratiques qui révèlent la dimension sui generis de ce corps politique singulier qu’est le corps du Christ dans le monde (…) Nombre de ses écrits appartiennent tout à la fois aux secteurs de la théologie politique, de l’éthique sociale, de l’ecclésiologie, de la liturgie ou de la sacramentaire, sans jamais cependant se laisser circonscrire dans l’un d’entre eux, que ce soit par la méthodologie ou par le champ d’investigation ».

Cavanaugh, nous dit Brison, veut utiliser une nouvelle façon de faire ; en effet, « la plupart du temps, dans l’époque récente, les questions d’économie (problèmes du marché), de politique (Etat-Nation, mondialisation, etc.) sont traitées par la morale sectorielle ; c’est-à-dire par une réflexion théologique mettant en jeu un certain nombre de principes moraux appliqués à un domaine particulier et interagissant avec les règles propres à ce domaine. Cavanaugh veut, au contraire, trouver directement dans la théologie systématique les ressources propres à la réflexion des chrétiens ». Retour de la théologie au centre de la scène, en quelque sorte…

L’Église, « corps de résistance »

Et, sur le plan ecclésiologique, Cavanaugh a écrit lui-même vouloir « vraiment conserver la réalité de l’Eglise comme corps social à part entière » ! Brison peut alors affirmer que « l’Eglise se présente donc, dans la théologie de Cavanaugh, comme le point focal de la théologie politique », ce qui, bien sûr, ne manque pas de susciter incompréhensions, voire oppositions, de la part de nombre de ses confrères… Plus loin, notre auteur précise : « Ce corps social particulier qu’est la communauté ecclésiale et sa discipline alternative dans son rapport au monde forment pour Cavanaugh un corps de résistance face aux prétentions salvatrices de l’Etat et sont les seules capables de promouvoir une vraie liberté et une vraie paix pour les hommes, dans la perspective du Royaume de Dieu » ! Alors, concrètement, « la proposition de Cavanaugh de construire des structures alternatives, où la mondialisation ne supprime pas les différences locales via une standardisation du désir, se fonde sur un mode de vie sociale propre à l’Eglise à cause de sa catholicité dont l’eucharistie demeure un élément essentiel ». en fait, conclut alors Brison, « il s’agit moins d’influencer les actions de l’Etat que de bouleverser l’ordre des choses pour faire surgir la dynamique du salut dans un monde qui aspire à être sauvé ».

Dans ce geste conceptuel novateur et audacieux qui veut rester néanmoins en prise avec le concret de la réalité humaine et sociale, Cavanaugh s’appuie donc, nous l’avons dit, à la fois sur l’imagination et sur la théologie narrative. Dans son quatrième chapitre, intitulé justement « De l’imagination à la théologie narrative », Brison s’interroge alors : « A notre époque où, sous l’influence des théologies contextuelles, la question se pose de reconsidérer la rationalité européenne occidentale comme forme indépassable de toute théologie, n’y aurait-il pas une possibilité de dépasser cette problématique par une perspective narrative qui conduirait à recentrer la théologie sur l’expérience humaine, y compris dans ses singularités géographiques et temporelles ? »

A la fin du chapitre, il se montre plus affirmatif : « Pour le dire autrement, le récit produit l’interprétation théologique de l’existence, plus qu’il ne reçoit sa forme d’une théologie extérieure à lui. Il constitue donc un lieu d’investigation privilégié dans lequel les processus de narrativité et de réflexion théologique sont à ce point mêlés qu’ils forment un tout capable d’exprimer une authentique rationalité » !

Vers une ecclésiologie eucharistique

Le cinquième chapitre est encore centré sur la théologie narrative ; intitulé « La théologie narrative en réponse aux défis du monde présent », il affirme ceci, nouant ensemble deux concepts fondamentaux pour Cavanaugh : « Si les enjeux d’une théologie narrative ont conduit à cerner la puissance argumentative du récit, il faut revenir à la notion d’imagination proprement dite, puisque c’est elle qui structure chez William Cavanaugh l’approche théologique de la réalité du monde et de l’Église ».

Enfin, dans son ultime chapitre, Brison termine par là en fait où il avait commencé, à savoir l’eucharistie, sous le titre, explicite : « Imaginer le Corps du Christ : vers une ecclésiologie eucharistique », où il s’agit, rien de moins, que de « réintégrer le rapport au monde dans l’ecclésiologie systématique » et de concevoir alors « la liturgie eucharistique comme lieu d’élaboration d’une ecclésiologie narrative », la boucle est donc bouclée ! Sans surprise, pour cette dernière section, Cavanaugh, s’appuie sur les théologiens orthodoxes Afanassief et, surtout, Zizioulas. Auparavant, Cavanaugh (et donc Brison !) s’était inspiré, tout en les critiquant, d’auteurs très divers, anciens ou récents : Augustin et sa Cité de Dieu, Ricoeur avec sa réflexion sur le temps et le récit, et, surtout, le méthodiste texan Stanley Hauerwas qui fut son directeur de thèse ; mais, d’autres auteurs sont aussi largement cités, dont plusieurs Français : Henri de Lubac, Michel de Certeau, Jacques Maritain, Johann Baptist Metz, John Courtney Murray, etc.

Ссылка на источник

Continue Reading
You may also like...
Click to comment

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

More in NOUVELLES

To Top
error: Content is protected !!