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Un an après, les contestataires bielorusses entre fierté et exil
La victoire leur avait semblé si proche. Pour les opposants à l’autoritaire président biélorusse Alexandre Loukachenko, le mois d’août 2020 restera celui d’une mobilisation sans commune mesure dans l’histoire du pays, le moment où le pouvoir du président aura vacillé… et paru un instant s’effondrer.Une mobilisation entourée d’un « océan de positif, de bonté, de sourire et d’amour », se remémorait avec nostalgie, le 4 août, l’une des principales figures de l’opposition, Maria Kolesnikova, au média russe d’opposition Dojd. Mais une mobilisation qui a fait l’objet d’une répression brutale, parvenue à briser la contestation : ce mercredi, en répondant à Dojd, Maria Kolesnikova s’exprimait elle-même depuis un centre de détention de Minsk, en attendant le début de son procès pour « tentative de coup d’État ».« C’est très étrange de repenser à tout ça, on n’aurait pas pensé que cela durerait si longtemps » réfléchit à haute voix Stanislava Terentieva. Un an plus tôt, cette jeune femme de 27 ans piétinait dans un bureau de vote de Vitebsk, ville du nord-est, où son statut d’observatrice l’avait placée aux premières loges des fraudes massives réalisées par le pouvoir. Elle parle aujourd’hui depuis Odessa, ville balnéaire de l’Ukraine voisine. Entre-temps, elle a connu cinq arrestations, une perquisition à son domicile, des menaces d’inculpation pour terrorisme et, enfin, le 4 juillet, la fuite. Un destin devenu depuis un an celui de milliers d’activistes et d’opposants.L’humeur, de fait, est bien loin de celle d’août 2020, lorsque la répression du régime face aux premières – timides – marques d’opposition à la réélection d’Alexandre Loukachenko avait débouché sur d’immenses cortèges à travers tout le pays. « On s’attendait à des manifestations, mais pas de cette ampleur, et pas aussi longtemps » se rappelle Alexeï Chota, rédacteur en chef d’un média local à Grodno, ville de l’ouest non loin de la frontière polonaise.Une semaine après l’élection du 9 août, plus de 100 000 personnes, souvent enveloppées du traditionnel drapeau blanc et rouge de l’opposition, descendent dans les rues de Minsk. Le lendemain, une visite d’Alexandre Loukachenko à l’usine de tracteurs de la capitale tourne court : le président est hué par des ouvriers pourtant parmi les principaux bénéficiaires du capitalisme d’État mis en place par l’autocrate.La chute de l’ancien directeur de kholkoze, au pouvoir depuis 1994, paraît alors presque inévitable. « Loukachenko a été sauvé parce que la Russie, après une période d’incertitude, a décidé de le soutenir », estime le politologue biélorusse Artyom Shraibman.Contre toute attente et malgré les manifestations qui continuent, Alexandre Loukachenko tient. S’ensuit une année de répression qui touche toutes les strates de la vie publique, des opposants aux ONG en passant par les journalistes et le monde académique. Le flux constant d’arrestations, de menaces et de perquisitions finit par peser : « après une série de perquisitions en juin, j’ai eu un moment de panique, j’ai pris mes affaires, je suis monté dans ma voiture et j’ai commencé à conduire vers la frontière polonaise », raconte Alexeï Chota. « Et puis je me suis arrêté à mi-chemin en me demandant” mais qu’est-ce que tu fais ?” Et je suis rentré chez moi ». La situation est « effrayante » admet-il, mais pas question pour autant de parler de déception. « Au contraire, il y a de la fierté », assure-t-il.« Il n’y a pas de déception », insiste également Stanislava Terentieva. De l’inquiétude, oui, pour ceux restés en Biélorussie, concède-t-elle, et puis le sentiment d’avoir agi comme un révélateur de la véritable nature du régime biélorusse. « Les gens ont ouvert les yeux sur la violence dont était capable Loukachenko », pense-t-elle. « Avant, tout le monde parlait à l’étranger du “dernier dictateur d’Europe”, un peu comme une blague. Aujourd’hui, tout le monde sait à quel point c’est sérieux. »