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Utopia 56, l’association vigie des migrants

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Utopia 56, l’association vigie des migrants

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Ce soir de novembre, près de la porte d’Aubervilliers, à Paris, des dizaines de migrants reprennent leur souffle après la distribution alimentaire, avant de repartir à la recherche d’un endroit où dormir. Au milieu d’eux, Yann Manzi, fondateur de l’association Utopia 56, répond à une énième interview pour dénoncer « la chasse à l’homme, et je pèse mes mots, à laquelle se livre la police pour empêcher les exilés de s’installer où que ce soit, ne serait-ce que sur un coin de trottoir ».Depuis l’évacuation, le 17 novembre, du campement de Saint-Denis, qui a mis à l’abri près de 3 000 personnes mais en a laissé entre 500 et 1 000 à la rue, Utopia 56 est sur tous les fronts. Cette association, encore peu connue du grand public, a notamment coorganisé le campement du 23 novembre place de la République, à Paris. « L’idée, argumente Yann Manzi, c’était de secouer le cocotier pour obtenir des mises à l’abri pour ces personnes, à la rue en pleine période hivernale et en plein confinement ».Mais le campement fut brutalement dispersé par les forces de l’ordre, au point d’émouvoir le ministre de l’intérieur lui-même. Dans la foulée, le gouvernement débloque quelques centaines de places. De son côté, Utopia 56, qui en demande un millier, menace d’une nouvelle action « pour rendre visibles les invisibles ». « Je reconnais à Utopia un rôle utile de dénonciation des manquements de la politique de l’État mais je suis perplexe quant à ce genre d’actions car, dans le contexte, ça ne pouvait que mal se terminer », analyse Pierre Henry, ex-directeur de France terre d’asile.Entre les associations qui gèrent des centres pour migrants pour le compte de l’État et Utopia, les relations ne sont pas toujours simples. « Ils ont un positionnement extrêmement agressif à l’égard des institutions et considèrent comme des collaborateurs tous ceux qui travaillent avec l’État », précise Pierre Henry.Comme l’association Droit au logement, Utopia 56 est familière des « opérations de visibilité », comme le campement de familles organisé en septembre devant l’hôtel de ville. « On peut être réservés sur certaines manières de faire, mais franchement, ils ont le mérite de dénoncer des situations inacceptables », tempère Bruno Morel, le directeur d’Emmaüs Solidarités.L’histoire d’Utopia 56 explique largement son identité. « On s’est créés en 2015 à la mort du petit Aylan », l’enfant syrien de 3 ans retrouvé noyé sur une plage grecque, explique Yann Manzi. « On était bouleversés et mon plus jeune fils, Liam, m’a dit : “Mais toi, tu fais quoi, papa ? ” Ça a été le déclic. »Avec sa femme, son fils aîné et une amie, Yann Manzi crée Utopia 56, qui part aussitôt à Calais. « On s’est rendu compte que personne ne nettoyait, donc on est un peu devenu les éboueurs de la Jungle », explique cet ancien régisseur du camping du festival des Vieilles Charrues, qui a « l’habitude de monter des projets avec rien ». Utopia draine aujourd’hui des centaines de bénévoles.Ce savoir-faire à faible coût lui vaut de se voir confier par la ville de Grande-Synthe la gestion du camp de la Linière, avant sa reprise en main par l’État. À Paris, « Anne Hidalgo est venue nous voir pour monter avec nous le projet de Centre de premier accueil », aujourd’hui fermé, raconte Yann Manzi. Utopia 56 est alors chargée de gérer la file d’attente devant le centre, saturé. Avant de jeter l’éponge « quand on s’est rendu compte que l’accueil inconditionnel qu’on nous avait vendu n’était pas au rendez-vous ».Après ces deux épisodes, qui lui valent parfois des critiques de collectifs plus radicaux, c’en est fini des missions subventionnées. Soutenue par des cagnottes et par quelques mécènes, comme la Fondation de France, Utopia 56, qui a maintenant des antennes à Calais, Grande-Synthe, Paris, Lille, Tours, Rennes, Toulouse ou encore Dijon, fonctionne « avec un salarié dans chaque antenne, quelques services civiques, des bénévoles à long terme et une armée de bénévoles à court terme », souvent très jeunes.Une organisation très souple, qui permet à Utopia de mener de nombreuses missions. À Paris, où elle gère l’hébergement citoyen de plus d’un millier de familles par an, l’association effectue aussi des maraudes pour distribuer des tentes aux migrants à la rue et les orienter vers des services de base. « C’est important d’avoir une présence citoyenne sur le terrain pour témoigner de ce qui se passe, reprend Yann Manzi. Quand il y a un problème avec la police, on demande aux migrants de nous envoyer leur position GPS et on a une voiture qui arrive sur place tout de suite. »

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