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Voyage vers le fauvisme

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Voyage vers le fauvisme

Matisse en Corse. « Un pays merveilleux »Musée de la Corse, à Corte (1)Corte (Corse)De notre envoyée spécialeÀ l’origine était une acquisition. Quand la collectivité de Corse reçoit le tableau La Mer en Corse, Le Scoud d’Henri Matisse (1869-1954), en décembre 2019, le projet d’une exposition ne se fait pas attendre. « Matisse en Corse. Un pays merveilleux » se tient au cœur de l’ancienne citadelle de la ville de Corte. Peu connus, les six mois passés par le peintre et sa femme, Amélie, sur l’île de Beauté furent décisifs pour son œuvre et pour l’histoire de l’art. Ce passage anticipe et annonce la période fastueuse et la plus célèbre de Matisse à Collioure (Pyrénées-Orientales), de 1905 à 1914.Le long du parcours de Corte, l’évolution de son style apparaît comme une évidence. Au fil des semaines et des coups de pinceaux, l’artiste s’octroie une plus grande liberté, et c’est « cette quête de liberté qui le guide vers une écriture nouvelle », confie Dominique Szymusiak, commissaire de l’exposition.Enfant du Nord, né au Cateau-Cambrésis, Matisse s’enthousiasme pour la richesse des couleurs luxuriantes du Sud à 28 ans. Dans une lettre de février 1898 à son ami Albert Marquet, il écrit qu’il vient de découvrir « un pays épatant », regorgeant d’« amandiers en fleurs au milieu d’oliviers argentés et de la mer bleue, bleue, si tellement bleue qu’on en mangerait ». Il puise une inspiration profonde dans les reliefs des montagnes, le scintillement de l’eau et la nature verdoyante. En six mois, l’ancien étudiant de l’École des beaux-arts peint 55 tableaux. « En Corse, il va reprendre son goût pour les couleurs pures qu’il a expérimentées en Bretagne où il a commencé ses paysages de plein air », poursuit celle qui est également conservatrice honoraire du patrimoine du Musée Matisse (Nord).Une fois installé dans le « quartier des étrangers », dans l’ouest d’Ajaccio, Matisse se rend régulièrement dans une oliveraie voisine. À l’ombre des arbres fruitiers, il observe et élargit sa palette de teintes. La toile Paysage corse, oliviers illustre son goût pour la végétation foisonnante, la perspective est suggérée par les variations d’ocres, verts et bleus. Matisse est obnubilé par le scintillement de la mer qu’il peut voir depuis les fenêtres de son appartement situé dans la Villa de la Rocca.Il cherche à peindre son exaltation, sa peinture doit traduire ses émotions, quitte à s’éloigner d’un certain classicisme. « L’audace de Matisse est phénoménale », sourit Dominique Szymusiak. Matisse décide, selon ses mots, de « sortir de l’imitation, même de celle de la lumière, de jeter la vieille guenille pour aller avec mes propres moyens, avec mes sentiments ».Jacques Poncin, auteur d’un ouvrage qui a guidé l’élaboration de l’exposition, Matisse à Ajaccio. 1898, lumière et couleur révélées (2), souligne que Matisse « crée des reliefs de peinture, ce qui accentue la lumière ». Les touches se font plus épaisses. Sur la toile Pêcher en fleurs, les branches sont couvertes d’aplats blancs, rose, orangés et se mêlent aux verts des feuilles et de la végétation environnante. « Matisse aime la matière, c’est un sensuel », observe Dominique Szymusiak. Le geste devient plus généreux, les formes charnues, la toile prend des airs de gourmandise.Ses jets de couleurs, ses touches vives et la palette infinie des tons augurent un genre nouveau : le fauvisme. En 1905, il en sera désigné comme le principal chef de file. Décidés à se libérer des carcans d’une peinture plus sage et réaliste, les Fauves jouent des compositions des nombreux pigments intenses posés par taches ou aplats bruts. À l’époque, les critiques s’emballent, cette liberté insolente dérange. Aujourd’hui, cette exposition ne manque pas de rappeler le génie pionnier de « l’artiste de la joie ».


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