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Dans l’ombre d’Alberto Giacometti

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Dans l’ombre d’Alberto Giacometti

Les Giacometti : une famille de créateursFondation Maeght, à Saint-Paul-de-Vence (Alpes-Maritimes) (1)Saint-Paul-de-VenceDe notre envoyée spécialeRien ne prédisposait le village suisse de Stampa, dans le canton des Grisons, à devenir le berceau d’une lignée d’artistes. Situé au fond du val Bregaglia, ce gros bourg fut l’un des premiers points de passage du nord au sud de l’Europe à l’époque romaine. Les montagnes, aussi majestueuses qu’écrasantes, y privent de soleil, de novembre à février, les austères maisons aux toits de lauze. Les Giacometti sont implantés dans la vallée depuis des siècles quand naît Alberto, en 1901, issu d’une famille de pâtissiers-boulangers. Son grand-père tient une auberge près du pont qui surplombe la rivière.Si sa renommée internationale éclipsera celle des autres membres de sa famille, Alberto n’est pourtant pas le premier à s’intéresser à l’art. Son père Giovanni et le cousin de celui-ci, Augusto, comptèrent parmi les figures majeures de la peinture suisse à l’orée du XXe siècle, comme le rappelle l’exposition organisée à la Fondation Maeght. À travers près de 300 œuvres, issues en grande majorité de collections privées (celle des Maeght en tête), elle dévoile le talent et replace dans leur contexte historique cinq hommes du clan Giacometti, qui empruntèrent des voies différentes mais dont les œuvres se répondent.Le parcours, qui réserve une salle à chacun, s’ouvre donc sur Giovanni (1868-1933). Formé à l’École des arts appliqués de Munich après son échec aux Beaux-Arts, il tente sa chance à Paris avec son ami Cuno Amiet, avant de revenir s’installer à Stampa où il aménage une étable en atelier. C’est là, dans ce village plongé dans une « pénombre grise et triste » plusieurs mois que le peintre se lance dans une quête éperdue de lumière. Il saisit les nuances de rose et de bleu de la neige au crépuscule (Paysage enneigé, 1908), les taches de lumière qui rosissent les joues de sa femme se reposant dans le jardin (Sous le sureau, 1911), ou le soleil éclatant qui illumine le corps de sa fille adorée Ottilia, laissant dans l’ombre ses frères (Les Enfants dans la forêt, 1909).Son cousin Augusto, de neuf ans son cadet, est, lui aussi, un fin coloriste. Si l’œuvre de Giovanni porte l’empreinte de l’école de Pont-Aven ou du mouvement expressionniste allemand Die Brücke, Augusto est surtout considéré comme un pionnier de l’abstraction. Une série de pastels datés de 1916 en donne un bel aperçu. L’exposition donne surtout à voir ses expérimentations néo-impressionnistes. Dans les années 1910, il décompose ses paysages comme une mosaïque de touches colorées, appliquant la peinture au couteau, en couche épaisse, comme dans l’éblouissant Landschaft (Baum). En 1933, les teintes, toujours lumineuses, se métamorphosent en taches floues dans le chatoyant Marché aux orangesde Marseille.En réponse à cette débauche chromatique, la seconde génération des Giacometti, composée des trois fils de Giovanni, délaisse la couleur. Le benjamin Bruno (1907-2012) deviendra un architecte de l’austère courant moderniste, tandis que l’aîné Alberto connaîtra la carrière de peintre et de sculpteur que l’on sait, fidèlement épaulé par Diego. Son cadet de treize mois s’occupera jusqu’à la mort d’Alberto, auquel il vouait une admiration sans bornes, du travail de fonderie et des patines des pièces. « De tempérament opposé, Alberto et Diego étaient très complémentaires. Le premier était aussi réservé et intello que le second était affable et bon vivant. Le premier travaillait la nuit, le second le jour. Le matin, Diego sauvait souvent des œuvres de son frère en les amenant à la fonderie avant que cet éternel insatisfait ne les détruise », raconte le commissaire Peter Knapp.Les deux frères développeront même une fructueuse collaboration dans le domaine des arts décoratifs dont témoigne un remarquable ensemble de tables, de lustres ou de lampes, au design élégant et aux motifs pleins de fantaisie (chats, hiboux, oiseaux…). Ne manque au portrait des artistes de la famille que leur sœur Ottilia, morte en couches à 33 ans, dont le travail textile, inspiré des tissages traditionnels de la vallée, n’a malheureusement pas été conservé.


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