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En Algérie, des mémoires toujours vives

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En Algérie, des mémoires toujours vives

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Difficile de trouver des Algériens confiants lorsqu’il s’agit d’obtenir « une paix des mémoires ». Et Abdelmadjid Chikhi, directeur des archives nationales, n’en fait pas partie. Désigné en juillet dernier par le président Tebboune, il est chargé de faire « des recommandations libres » pour sortir des conflits mémoriels sur la guerre d’Algérie.Peu d’ouverture pour un vrai chantier mémorielLe choix de ce bureaucrate austère, réputé pour être peu collaboratif avec les chercheurs algériens, est en soi le signe du peu d’ouverture d’Alger pour un vrai chantier mémoriel commun. Abdelmadjid Chikhi appelle à « comprendre ensemble ce qui s’est passé et pourquoi cela s’est passé ». Un objectif a minima, largement réalisé déjà par la production académique sur l’histoire de la colonisation. Et tout de même lointain, car fin octobre, il admettait que son travail n’avait pas encore commencé.→ ANALYSE. Mémoires de la guerre d’Algérie : des gestes d’apaisement nécessairesPlutôt que de mission, l’historien algérien parle de « galère », dans laquelle il se trouverait embarqué avec Benjamin Stora, « pour essayer de changer les comportements de part et d’autre de la Méditerranée ». « Nous nous cherchons, Benjamin Stora et moi », avoue-t-il, la pandémie ayant empêché toute rencontre. C’est désormais la maladie du président Tebboune, atteint du coronavirus et en réanimation dans un hôpital en Allemagne depuis le 28 octobre, qui risque de paralyser la partie algérienne du projet.Créer un think tank historiqueSurtout, pour les élites algériennes, ce sont les Français qui ont le plus à faire pour réconcilier les mémoires. « Le récit algérien est exalté comme tous les récits fondateurs, le récit français est amputé. Le premier doit se rapprocher de la réalité des faits avec leurs nuances. Le second doit se libérer pour accepter les faits », explique Rachid Khettab, éditeur spécialisé dans les livres d’histoire. Illustration de ce hiatus, la commémoration du 50e anniversaire de la disparition du général de Gaulle a suscité de nombreuses réactions outrées en Algérie, le premier quotidien du pays El Khabar rappelant qu’il a été « un bourreau pour les Algériens ».→ RÉCIT. Bachir, Héliette et les autres : mémoires de la guerre d’Algérie« La question piège d’un tel chantier mémoriel, c’est de savoir si une autre issue que celle de la guerre d’Algérie et le départ des pieds-noirs était possible, et à qui incombe la responsabilité du non-avènement de cette autre possibilité », prévoit Rachid Khettab.Pour Amar Mohand-Amer, historien et chercheur au Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Crasc) à Oran, il est ainsi possible de donner des bourses, lancer des appels à projets communs et créer « un think tank (laboratoire d’idées, NDLR) historique propre aux deux pays, pour mutualiser les travaux des chercheurs et faire en sorte que ce chantier soit d’abord celui des scientifiques. Si les politiques priment, il échouera ».Le sacrifice du martyr comme « repère identitaire de l’Algérie »Mais les périls sont partout. En premier lieu, celui d’altérer le récit officiel. Un film sur Larbi Ben M’hidi, dirigeant du Front de libération nationale (FLN) arrêté et assassiné en mars 1957, est empêché de diffusion en Algérie depuis trois ans parce qu’il montre, pour la première fois, les divergences internes à la direction de la Révolution. L’histoire des harkis est également très peu connue en Algérie.→ CRITIQUE. Raphaëlle Branche, Benjamin Stora et l’Algérie : souvenirs de la guerre sans nom« Il y a un consensus très large dans le pays pour maintenir la France et son rôle colonial dans le statut d’adversaire permanent de l’indépendance algérienne, explique Brahim Slaoui, issu d’une famille de résistants. Le pouvoir politique a besoin de l’épouvantail de la France pour maintenir sa tutelle et le peuple la cite toujours en premier pour dénoncer l’asservissement de ses dirigeants. »Les jeunes du Hirak, le mouvement populaire lancé en février 2019, se sont ainsi réapproprié les héros de l’indépendance algérienne pour les opposer « aux traîtres », comme les proches de Bouteflika qui abritaient leurs fortunes mal acquises en France. « Le sacrifice du martyr est le repère identitaire de l’Algérie, il est archaïque lorsque le vieux pouvoir l’utilise et devient moderne lorsqu’un mouvement pour la démocratie s’en empare, conclut Brahim Slaoui. Les mémoires restent toujours la production en continu du moment présent. »

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