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L’économie sens dessus dessous

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L’économie sens dessus dessous

Si la science économique s’est imposée comme une discipline reconnue, fait que consacre depuis 1969 l’attribution du prix de la Banque de Suède désigné par raccourci « prix Nobel d’économie », il faut bien reconnaître qu’elle n’est pas, malgré ses prétentions, aussi exacte que les sciences dites dures.

Il suffit, pour s’en convaincre, de constater combien, à la faveur des chocs récents − la crise financière de 2008 d’abord, puis celle provoquée par le coronavirus −, les lois et postulats que nous croyions solidement établis pour expliquer le fonctionnement du marché sont profondément remis en cause.

C’est ainsi que, depuis quelques années, le grand public entend parler, à sa grande stupéfaction, de taux d’intérêt négatifs. Phénomène qui, a priori, semble défier le bon sens.

Tout particulier qui demande un crédit à son banquier sait en effet que l’argent qu’il emprunte aura un prix, mesuré par le taux d’intérêt. Son niveau dépend de plusieurs facteurs : le temps mis pour rembourser, le risque estimé par le prêteur, l’inflation anticipée, l’équilibre entre l’offre et la demande.

Le taux d’intérêt peut donc être plus ou moins élevé mais, dans tous les cas, il sera positif. Sauf que, désormais, il arrive que des États de la zone euro empruntent à taux négatifs, des investisseurs privés acceptant de perdre de l’argent pour détenir des obligations émises par ces pays.

C’est notamment le cas de la France qui, en 2019, a emprunté une part des 200 milliards d’euros de dette émise par l’Agence France Trésor à ces conditions plus qu’avantageuses.

Mais la surprise des économistes ne dure jamais longtemps. L’explication serait à chercher, selon eux, du côté des politiques monétaires inédites adoptées par les banques centrales, dont la Banque centrale européenne.

« En réponse aux crises répétées affectant l’activité, celles-ci ont fait le choix, politique autant qu’économique, de soutenir la croissance et l’emploi en inondant le marché de liquidités », souligne Éric Monnet, de l’École d’économie de Paris.

Notamment en rachetant massivement des obligations d’État, contribuant à rendre plus rares, donc plus chers, ces produits financiers. Ce qui a pour effet de réduire leur rendement qui, lui, est déterminé une fois pour toutes lors de l’émission du titre.

« Mais, dans le contexte d’incertitude que connaît l’économie mondiale, les investisseurs recherchent des placements sûrs pour garantir leur épargne, quitte à payer pour cela », poursuit Éric Monnet.

Est-ce bon pour l’économie ? Les banques centrales encouragent-elles l’investissement ou favorisent-elles la spéculation ? Soutiennent-elles l’action publique ou invitent-elles au laxisme budgétaire ? Sur ces questions, le débat est loin d’être tranché.

En revanche, une chose est sûre : ces milliers de milliards déversés dans l’économie n’auront pas fait bouger d’un iota l’inflation. Contre toute attente, celle-ci reste désespérément basse dans tous les pays développés, au point que certains redoutent l’entrée dans un cycle déflationniste, prélude à une récession durable.

Là encore, c’est toute la théorie économique qui vacille. « Pour les partisans de l’Américain Milton Friedman, Nobel d’économie en 1976, l’inflation résulte d’abord d’une quantité de monnaie en circulation qui augmente plus vite que la production, entraînant une hausse des prix », décrypte Florence Jany-Catrice, de l’université de Lille.

La réalité actuelle semble plutôt donner raison aux économistes « hétérodoxes » qui pensent d’abord l’inflation comme la résultante d’un rapport de force entre employeurs et employés autour de la question des salaires, toute hausse de celui-ci étant répercutée par les entreprises sur leurs prix.

« Croissance, chômage, inflation : ces indicateurs macroéconomiques sont insuffisants pour rendre compte d’une économie réelle marquée par la montée des emplois précaires et mal payés, des inégalités et de l’insécurité sociale qui pèsent sur la confiance des ménages et donc sur la consommation », insiste Florence Jany-Catrice.

À cela s’ajoute une difficulté de mesure, les instituts peinant à distinguer la part qui revient à la hausse pure du prix de celle qui relève de l’augmentation de la qualité des produits. Un problème que les statisticiens n’ont jamais réussi à régler. Ce qui explique peut-être la difficulté qu’ont les économistes à appréhender l’impact des innovations sur la croissance. « Le nombre d’hypothèses pour expliquer la panne de productivité que connaissent les économies développées en est une excellente illustration », souligne Valéry Michaux, de la Neoma Business School.

La querelle remonte à la fin des années 1980, lorsque l’Américain Robert Solow, théoricien de la croissance et Nobel d’économie en 1987, expose le paradoxe que « les ordinateurs sont partout, sauf dans les statistiques ». Autrement dit, où sont passés les gains de productivité promis par la révolution numérique ?

On en discute encore. « Avec, d’un côté, les techno pessimistes qui estiment que ces nouvelles technologies de l’information n’apportent qu’un progrès limité, décrypte Valéry Michaux. De l’autre, ceux qui considèrent qu’un progrès technique n’accroît pas automatiquement la productivité. Ne serait-ce que parce qu’il faut réorganiser le travail et la montée en compétences, ce qui prend du temps et a un coût. »

Gilbert Cette, de l’université Aix-Marseille, se range volontiers dans la seconde catégorie. « Il a fallu six décennies pour que le moteur électrique se diffuse. La révolution digitale, qui ne fait que commencer avec la 5G, l’intelligence artificielle et les mégadonnées, va bouleverser tous les secteurs d’activité. »

Toute la question est de savoir quand. « La crise actuelle peut être un formidable accélérateur. Et le plus tôt sera le mieux, plaide Gilbert Cette. Car, face aux défis qui s’annoncent − financer le vieillissement, la dette et la transition écologique tout en préservant le pouvoir d’achat −, nos économies ne peuvent rater le rendez-vous avec l’innovation. »

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