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Paroles d’exilées

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« En formant les mères de demain, on lutte contre l’analphabétisme »Nasrine Nabiyar,présidente et fondatrice de l’association Malalay-Afghanistan pour l’éducation des femmes et jeunes filles, exilée en France depuis 1988« Je garde espoir que les talibans prennent en compte le droit des femmes lors de la constitution de leur gouvernement. Pour le moment, tout est encore ambigu. Mais si le monde a changé, pourquoi pas les talibans ? De nombreuses choses ont été acquises depuis vingt ans : les femmes travaillent et se sont forgé une place dans la société afghane. Beaucoup d’entre elles ont été formées, elles ont acquis une aisance dans leur expression grâce à leur courage et à leur combat. De nombreuses femmes sont aujourd’hui écrivaines, journalistes ou encore parlementaires. Ces dernières occupent un quart des sièges au sein de l’institution ! Si cela s’arrête, ce sera une cata­strophe. Si j’en ai la possibilité, je continuerai à venir dans mon pays pour développer l’école ouverte grâce à mon association (1) et au soutien indéfectible de la France. Aujourd’hui, 500 filles y sont scolarisées et la première promotion de bachelières en est sortie dès 2010 ! En formant les mères de demain, on lutte contre l’analphabétisme. De fait, les femmes éduquées ont un bagage pédagogique important qu’elles transmettent ensuite à leurs propres enfants. L’accès à la lecture et à l’université est primordial. Si les talibans y mettent fin, les femmes perdront leur place dans la société. »Recueilli par Thérèse Thibon—-« Sauver une personne, c’est aussi sauver une partie de la culture afghane »Farzaneh Hashemi,poète, en France depuis 2014« Aux yeux du gouvernement taliban, les artistes n’ont aucune valeur, l’art n’existe pas, il est inacceptable. À chaque grand changement dans l’histoire de l’Afghanistan, les femmes sont les premières victimes. Je suis désespérée pour mon pays. Mais je suis également inspirée par cette crise. L’art est un moyen de toucher les autres en créant de l’émotion et des sentiments. J’ai à cœur que le lecteur de mes poèmes ressente la peur des femmes afghanes à l’arrivée du nouveau gouvernement. En cela, je porte une certaine responsabilité. Je suis, de plus, infiniment reconnaissante d’avoir été accueillie en France : aujourd’hui, les artistes dont j’ai fait la connaissance me sont d’un grand soutien, alors que je n’ai pas de famille pour m’entourer. Ces artistes sont fortes et indépendantes, ce qui est très rare en Afghanistan. La France est un pays avec une culture extraordinaire. Pour moi, l’accueil des migrants est nécessaire. Sauver une personne, c’est aussi sauver une partie de la culture, de l’art de mon pays. Dans l’un de mes poèmes, j’ai écrit : “En réalité on est tous immigrants. Notre véritable pays était le paradis, on est né immigrants sur la Terre.” Actuellement, ces vers ont un écho particulier. »Recueilli par Thérèse Thibon—-« Je compte retourner en Afghanistan »Docteure Azadah Yacoub,40 ans, d’origine afghane, gynécologue à Beaune (Côte-d’Or)« Cela fait une dizaine d’années que j’effectue des courtes missions de une à deux semaines à la maternité de l’hôpital français de Kaboul, en tant que gynécologue. Je compte retourner en Afghanistan même si, pour l’instant, on ne sait pas quel sera l’avenir de l’hôpital. À la maternité, l’équipe est majoritairement composée de femmes. En ce moment, l’hôpital continue de fonctionner et mes collègues se rendent toujours au travail. Il y a évidemment moins de patients compte tenu des problèmes de sécurité dans la ville, les gens limitent les trajets aux opérations urgentes. Dans ma famille, une de mes tantes était cheffe du service de pédiatrie dans un hôpital public sous les talibans. Elle me racontait que travailler à cette époque, ce n’était pas une histoire d’hommes ou de femmes. C’était surtout une histoire de courage. Sans m’avancer sur l’avenir, je ne pense pas que la nouvelle administration talibane réplique le même modèle qu’il y a vingt ans. L’Afghanistan et la population afghane, surtout dans les villes, ont évolué. Je pense que les talibans n’ont aucun intérêt à afficher, aux yeux de la communauté internationale, une interdiction formelle pour les femmes de travailler. Pour autant, compte tenu du climat d’insécurité, les gens ont peur de s’exposer, et donc il y aura moins de filles qui iront à l’école et moins de femmes qui se rendront au travail. »Recueilli par Pascaline Akamba Mbono


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