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Tourisme religieux, l’activisme d’Israël

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Tourisme religieux, l’activisme d’Israël

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Kasser Al-YahoudCorrespondance particulière Le vent fait claquer les drapeaux et les soutanes des prêtres franciscains. Dimanche 10 janvier, une trentaine de personnes assistent à une messe, historique, devant une chapelle étrange, qui émerge des sables beiges comme un petit vaisseau de pierre. À la poupe, deux escaliers en fer à cheval. Ils montent sur une étroite plateforme. À la proue, vers l’est, un dôme criblé d’impacts de balle – les restes des combats qui se sont déroulés lors de la guerre des Six Jours.Cette partie de la rive ouest du Jourdain a en effet été ravie par Israël à la Jordanie en juin 1967. Cette plaine alluviale desséchée est ponctuée de petites chapelles isolées. L’une d’elles est dédiée par les franciscains à saint Jean Baptiste. Sept autres Églises et autant de constructions se partagent ce lieu, site présumé du baptême du Christ. Après les combats, Israël comme la Jordanie ont miné les rives du fleuve, qui s’enfoncent alors dans une longue hibernation.En 2002, le royaume hachémite a le premier rouvert les lieux au tourisme (lire les repères). Le site jordanien, sur la rive est du Jourdain, est d’ailleurs reconnu par l’Unesco. Jean-Paul II et Benoît XVI notamment s’y sont rendus. Est-ce alors la détente entre les deux pays ou les nombreux touristes qui se jettent dans les eaux du Jourdain chaque jour qui attirent l’attention de l’État hébreu sur ce site symbolique ? Dans les années 2008-2010, Israël démine et aménage une étroite bande de terrain appelée de ce côté-là Kasser Al-Yahoud, « la forteresse du juif ». Et cela fonctionne : les pèlerins arrivent, de plus en plus nombreux – 875 000 personnes en 2019, la meilleure année, selon le ministère du tourisme.Halo Trust, une agence britannique de déminage, propose d’enlever les pièges explosifs. Ronen Shimoni, responsable de l’opération pour l’organisation, suggère que le plus dur a été de recueillir l’accord de toutes les parties prenantes. Ce site se trouve en effet en territoire palestinien administré par les Israéliens. Il a fallu convaincre les acteurs politiques et religieux. Halo Trust reçoit le feu vert en 2018 et travaille jusqu’en 2020. « Il y avait des mines antipersonnel, anti-tank, des munitions non explosées, et des pièges explosifs. J’ai été très heureux de travailler sur ce chantier, et de voir les Églises reprendre possession des lieux. Ça justifie tous nos efforts », dit Ronen Shimoni. Près de 1 300 de ces engins de mort sont détruits, une surface de 410 000 mètres carrés nettoyée.« L’endroit était resté figé dans le temps », explique le frère Stéphane Milovitch, de la custodie franciscaine de Terre sainte alors que la dernière messe a eu lieu le 7 janvier 1967. « Dans le petit couvent sous la plateforme, il y avait toujours un portrait de Paul VI. Nous sommes entrés en chantant le Te Deum, qui signifie la prise de possession liturgique des lieux. » « Ce lieu, qui s’était transformé en zone de guerre, en champ de mines, est redevenu une zone de paix, un champ de prière », a quant à lui souligné Francesco Patton, le custode de Terre sainte, dans son homélie.Le dossier a été suivi de près par le président israélien dès 2015. Son équipe dévoile un projet de rénovation du site : nouveau parking, une piscine avec l’eau du Jourdain pour les pèlerins handicapés, des chemins pour marcheurs et cavaliers, une zone commerciale… Il a été suivi dans cette démarche par le gouvernement, qui s’est lancé dans un grand plan de développement du tourisme israélien. Le ministère concerné a vu son budget doubler en 2017 par rapport à l’année précédente. Avec la déstabilisation de la région suite aux révolutions arabes et la glaciation du conflit israélo-palestinien, l’État hébreu a vu le nombre de ses visiteurs exploser : de 2,7 millions en 2016 à 4,5 millions en 2019.Ces affaires en plein essor profitent aussi aux Palestiniens. « Avec nos 50 tour-opérateurs, on amène 500 000 personnes en Cisjordanie. Principalement des pèlerins. Le PIB palestinien est de 17 milliards de dollars. Selon les autorités, le tourisme y contribue à 15 %. Je pense que c’est plutôt 30 %. Ces dernières années, l’économie palestinienne montait en puissance, et l’argent gagné était réinvesti en Cisjordanie. La pandémie a stoppé tout ça », déplore Tony Khashram, président de l’association des acteurs du tourisme en Palestine.Après la messe, interdite au public à cause du confinement, les franciscains regagnent leurs véhicules, seuls dans le désert. Plus pour longtemps.

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